Tout le monde ou presque, aujourd’hui, connaît L’Origine du monde de Gustave Courbet. Aube prometteuse sur une toison noire, ce tableau sulfureux commandé au peintre par le diplomate turc Khalil-Bey afin de rejoindre sa collection de chefs-d’œuvre érotiques a fait l’objet de tous les fantasmes.
D’abord cachée aux regards sous un paysage de campagne enneigée, L’Origine du monde fut placée dans un cadre à double fond par son dernier propriétaire, l’illustre Jacques Lacan. En bon freudien, le psychanalyste qui déverrouillait à grands frais l’inconscient du Tout-Paris matait en douce, entre deux séances, l’entrejambe de Joanna Hiffernan. Entrejambe qui a finalement servi à payer les frais de la succession Bataille-Lacan, confirmant une fois de plus que l’État français est le premier des proxénètes. Et c’est ainsi que L’Origine du monde est arrivée au musée d’Orsay.
Le jeudi 29 mai, jour de l’Ascension de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans le calendrier grégorien, Mlle Deborah de Robertis, artiste luxembourgeoise, est entrée dans la salle 20 vêtue d’une robe dorée, s’avançant au son de l’Ave Maria de Schubert. Puis, s’asseyant au pied du tableau de Courbet, elle a remonté les genoux et écarté complaisamment les cuisses afin que les visiteurs du musée puissent contempler à loisir ce que d’autres cachent sous leur culotte. Une gardienne est arrivée pour lui demander de se rhabiller, puis une autre qui a tenté de cacher la fin du monde, et enfin la police qui a emmené la demoiselle au poste pour « exhibitionnisme dans l’espace public ». Erreur : c’était de l’art.
Mlle de Robertis est « performeuse ». On l’a même hébergée à ce titre pendant un an à la Cité des arts de Paris, résidence fort convoitée en plein Marais et à Montmartre, où l’on offre à quelques très rares élus tout ce qu’il faut pour se faire un nom. On y trouve des musiciens, des sculpteurs, des virtuoses en herbe qui travaillent leur instrument huit heures par jour ; Deborah Machin, elle, n’a même pas besoin d’un atelier : elle promène tout son petit matériel avec elle. Mais attention, hein, rien à voir avec le malade qui ouvre son imperméable à la sortie de l’école. Elle l’a dit au micro de France Info : Il s’agit « d’une œuvre d’art réfléchie depuis au moins huit ans […] Cela n’a rien à voir avec de l’exhibitionnisme, ce n’est pas un acte impulsif. C’est mon regard d’artiste qui compte. »
Le Figaro, toujours effrayé à l’idée de rater le train de la création, a voulu en savoir davantage. Il publiait ce samedi un entretien de Mlle de Robertis, « extrémiste de la performance vérité ».
Première surprise, la jeune femme, « craintive comme une biche effarouchée » (sic), est une belle brune nourrie au lait de la grande bourgeoisie, peut-être élevée chez les sœurs, qui sait… Quant à l’inspiration, elle lui vient moins de Marina Abramović, grande papesse de la performance, que de Michael Jackson, car « en touchant son sexe sur scène, il a fait de ce geste sa signature. Moi aussi, c’est ma signature », qu’elle dit. Dans les livres de psychiatrie, on appelle cela masturbation compulsive, mais bon, hein…
Enfin, et c’est là l’essentiel, Deborah a touché son public : « J’ai déstabilisé les tensions dans cette salle de musée, déclenchant de belles choses aussi. » Quoi ? Il y en a d’autres qui ont signé ? Une pétition, peut-être ?
Au journaliste qui lui demande trivialement si elle n’a pas cherché à se faire de la pub, elle répond catégorique : « Faire le buzz n’était pas le but. C’est l’art, le but. » D’ailleurs, on peut imaginer que cela lui a coûté car, elle l’avoue : « Si, je suis très pudique, tout au fond de moi. » Très très au fond, alors.
Enfin, concernant le choix de la date – l’Ascension – et de la musique d’ambiance – l’Ave Maria de Schubert –, c’est cette fois un pur hasard : « C’était le jour parfait, un beau jour, qui n’a rien à voir avec mes propres croyances. Ce geste résulte d’une pensée, je l’ai décidé, c’est tout. J’écoute souvent l’Ave Maria, je ne suis pas croyante, c’est juste beau. La figure de la Vierge est aussi dans mon travail. Si je suis toutes les femmes, je suis la Vierge aussi. »
Et moi je suis la reine d’Angleterre…
Autrefois, on enfermait les dingues à l’asile, aujourd’hui on les installe « en résidence » au cœur de Paris. Mais toujours à nos frais.
Commentaires
Moi du moment qu'il y a une chatte à mater, pas de problème.
Écrit par : collignon | vendredi, 13 juin 2014