À l’heure où je vous écris, on tourne un film dans la rue d’à côté. Les voitures des riverains distraits (ceux qui n’avaient nul autre endroit où les garer) sont parties à la fourrière, remplacées par de gros camions qui laissent à peine le passage. Les trottoirs, eux aussi, sont envahis par une armée qui plastronne et toise les passants en tentant de les forcer au détour. À peine si l’on peut rentrer chez soi. Ces « intermittents du spectacle » ont posé là leurs fauteuils, à côté de la roulante. De temps en temps, un gros moustachu se relève pour bouger un câble, puis il se replante là avec sa grosse panse et sa bière. Et ce soir, peut-être, il ira soutenir les camarades de la CGT-Spectacle en lutte contre les cadences infernales…

Ils sont en effet une cinquantaine à avoir investi le théâtre de l’Odéon d’abord, la Comédie-Française ensuite, pour peser sur – on pourrait dire prendre en otage – les négociations en cours. Des artistes en danger de mort à cause d’un État qui veut tuer la culture, comme on voudrait nous le faire croire ? Pas franchement. Aux dires des participants qui campent derrière la banderole – « De l’argent, il y en a, construisons de nouveaux droits » – sur la terrasse de l’Odéon, ils seraient « une cinquantaine d’étudiants, de chômeurs, d’intermittents, de précaires, et de “nuitdeboutistes” ». La culture, on vous dit.

Réunis en assemblée « générale » (sic !), ils ont voté aussi l’occupation de la Comédie-Française. Cinq salles de province ont suivi, privant elles aussi le public de sa soirée. Car, bien sûr, les directeurs de théâtre, souvent tout aussi gauchistes que cette poignée d’intermittents du spectacle et permanents de la vacuité, refusent qu’on les évacue. Parlez-leur du théâtre populaire et gratuit car archi-subventionné, oui, mais pas de ces salauds de bourgeois qui achètent encore leurs billets ! Et qui paient des impôts pour entretenir des armées de planqués du spectacle qui, pour la plupart, ne sont pas artistes ni même souvent techniciens.

Car tout le monde – télés, sociétés de production et autres – déclare son personnel comme intermittent du spectacle. De la secrétaire au comptable en passant par le coursier. Résultat : le régime d’assurance-chômage du spectacle accuse chaque année un déficit d’environ 1 milliard d’euros, soit un quart du déficit global. Pour savoir ce que représente ce chiffre, c’est le coût total de la ligne Express Nord, le tramway du Grand Paris qui joindra à terme banlieues ouest et est, et dont le premier tronçon (Épinay-sur-Seine/Le Bourget) a été mis en tension ce matin.

Comme le rappelle utilement Le Figaro : « L’allocation journalière brute versée par l’assurance-chômage est de 62 euros en moyenne pour les ouvriers et techniciens du spectacle, et de 53 euros pour les artistes, soit une moyenne de 58 euros. C’est nettement plus que le montant moyen de l’allocation journalière pour l’ensemble des bénéficiaires de l’assurance-chômage, qui est de 38,40 euros. »

Autre précision d’importance : pour 1 euro de contribution sous forme de cotisation sociale des employeurs et des intermittents, l’assurance-chômage verse 4,10 euros d’allocations. En 2014, elle a versé 1,3 milliard d’euros. Faites le calcul.

 

Source : bvoltaire