Sécurité routière : l'Etat va privatiser les radars (vendredi, 08 avril 2016)

Publié par Guy Jovelin le 8 avril 2016

LE FAIT DU JOUR. Pour réaffecter les forces de l'ordre à d'autres missions, l'Etat va déléguer à des sociétés privées l'utilisation de radars mobiles. Polémique assurée.

Les radars embarqués ciblent en priorité les voitures responsables de grands excès de vitesse.
Les radars embarqués ciblent en priorité les voitures responsables de grands excès de vitesse.
(LP/Matthieu de Martignac.)
 

L'an dernier, plus d'un million et demi d'automobilistes ont été flashés sans le savoir. Il leur a suffi de croiser (trop vite) la route d'une des 319 voitures-radars banalisées équipées de flashs infrarouges indétectables. Dans l'habitacle : des policiers et des gendarmes en tenue. Mais le gouvernement a décidé de confier, à partir de janvier prochain, la conduite de ces véhicules à des sociétés privées agréées par l'Etat.

Objectif : les faire circuler jour et nuit et multiplier les contrôles à l'heure où le nombre de morts sur la route est reparti à la hausse depuis deux ans.

D'après une enquête Harris Interactive* commandée par l'association 40 Millions d'automobilistes, et que nous vous dévoilons en exclusivité, 83 % des Français voient d'un mauvais œil cette perspective. 76 % estiment que cette mesure « aura pour objectif d'augmenter le montant des contraventions collectées par l'Etat » et 86 % craignent que les sociétés concernées ne réalisent des contrôles aux endroits où elles ont le plus de chance de constater des infractions. « Les radars ne peuvent pas être gérés par des sociétés privées dont l'objectif est la réalisation de bénéfices et qui flasheront à tout-va, dénonce le délégué général de l'association provoituresPierre Chasseray. Personne ne sera épargné par ce système impitoyable car ces voitures fonctionneront à longueur de journée avec pour seul objectif le profit sur le dos des conducteurs. »

QUESTION DU JOUR. Comprenez-vous que l'Etat confie au privé la gestion des radars embarqués ?

Alors que l'association craint une explosion du nombre de PV, le délégué interministériel à la Sécurité routière dénonce un faux procès. « La rétribution de ces prestataires agréés ne dépendra pas du nombre d'amendes, affirme Emmanuel Barbe. C'est la voiture et elle seule qui procédera comme aujourd'hui au contrôle automatique de la vitesse, et l'analyse du flash continuera à être effectuée par un officier de police judiciaire basé à Rennes au centre de traitement automatisé des infractions. » La sécurité routière ne cache pas toutefois que son but est de mieux rentabiliser ces voitures. « A tout endroit et à tout moment, les automobilistes doivent savoir qu'ils pourront se faire flasher » insiste Emmanuel Barbe.

« Faute d'effectifs suffisants, ces voitures-radars circulent aujourd'hui à peine plus d'une heure par jour et nous avons été les premiers à réclamer cette mesure de sous-traitance, explique la présidente de la Ligue contre la violence routière, Chantal Perrichon. Cela permettra de réaffecter les gendarmes et policiers, jusqu'ici chargés de conduire ces véhicules, à d'autres missions prioritaires comme les contrôles d'alcoolémie ou de comportements dangereux. »



 

Péages et fourrières déjà privatisés
Nombre de services publics ont déjà été privatisés dans le domaine des transports. En 2006, pour diminuer le déficit de l'Etat, le gouvernement de Dominique de Villepin concède une bonne partie du réseau autoroutier à des entreprises privées. Vinci Autoroutes, Eiffage, Albertiset six autres sociétés concessionnaires se partagent le territoire. Ce qui a conduit à une augmentation régulière des prix au péage. Cette année, cette hausse s'élevait, en moyenne, à 1,12 %. Même démarche pour les services de fourrière automobile, où dans de nombreuses villes les municipalités et les préfectures de police ont fait le choix de confier cette tâche à des prestataires privés.

Une nouvelle gestion souvent critiquée au vu de leurs tarifs et de certaines de leurs pratiques. Ainsi, quelques entreprises, payées aux nombres de véhicules confisqués, imposent un quota mensuel d'interventions à leurs salariés. Un fait qui a été dénoncé à Paris, en 2014, par le député-maire LR du XVe arrondissement, Philippe Goujon, qui souhaitait une « remunicipalisation » de ce service. En 2015, le prix de l'enlèvement d'un véhicule a bondi de 116 € à 150 € dans la capitale.Petit nouveau sur le marché de la privatisation : l'examen du Code la route. Inscrite dans la loi Macron, la réforme du permis de conduire prévoit de confier la surveillance du test théorique à des organismes privés agréés. But de l'opération, réduire les délais d'attente à la suite d'un échec, actuellement évalués à 98 jours. L'entrée en vigueur de la réforme est fixée au 18 avril.

 



*Enquête réalisée en ligne du 22 au 24 mars auprès d'un échantillon représentatif de 1 002 personnes.

 

Source : http://www.leparisien.fr/

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