"Chauffeur de bus, j'ai pris ma retraite après avoir vu et subi trop d'agressions" (vendredi, 27 janvier 2017)

Publié par Guy Jovelin le 27 janvier 2017

Un dépôt de bus, dans le nord de Paris.

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Le bilan statistique de la délinquance en 2016 montre une importante augmentation des violences, notamment dans les transports en commun (+7%). Vols et agressions font partie du quotidien des chauffeurs de bus ou de métro. Christophe, chauffeur de Noctilien, témoigne pour RMC.fr.

Christophe était chauffeur de bus en région parisienne. En août 2016, il décide de prendre sa retraite à cause des nombreuses violences auxquelles il assiste dans son Noctilien. 

"J’ai été chauffeur de bus pendant 37 ans, dont 10 ans sur le N22, le Noctilien qui va de Juvisy, dans le 91, à Châtelet. Après avoir vu et subi trop d’agressions, j’ai pris ma retraite en août 2016. Les violences faisaient partie du quotidien, et allaient d’une simple insulte jusqu’à la tentative de viol. Lorsque je demandais aux usagers de valider leurs titres de transport, certains me répondaient que je n’avais qu’à 'fermer ma gueule'. Si j’insistais, ça se finissait mal. 

L’agression de trop, qui m’a fait prendre ma retraite, s’est passée cet été, lorsque j’ai justement demandé à un voyageur de me présenter son titre de transport. Il m’a regardé, et avec sa main, il a mimé le geste de me tuer. J’ai voulu porter plainte pour menace de mort. Les policiers ont regardé la vidéo et ont bien vu la personne faire ce geste. Mais la direction n’a pas souhaité que j’aille au bout, elle préfère défendre le voyageur. Le manque de soutien envers le chauffeur de bus est un véritable problème. Quand on essaie de faire respecter les règles, on nous demande de nous taire.

Pour la direction, les chauffeurs de bus ne doivent pas s'interposer

Les jours où j’allais travailler, je me demandais ce qui arriverait. Chaque jour il y a des problèmes, et toutes les agressions sont traumatisantes. Avant, les violences se terminaient avec un œil au beurre noir et n’allaient pas bien loin. Aujourd’hui les voyageurs possèdent des couteaux, des flingues… Lorsque j’ai commencé à exercer ce métier, à la fin des années 1980, tout le monde validait son titre de transport, c’était une habitude. Maintenant, la direction nous conseille de ne plus les demander et de tourner la tête. Du coup, les gens ne paient plus… Une première porte s’est donc entrouverte.

Un soir, une dizaine de jeunes est montée dans le bus, vers la Place d’Italie, dans le XIIIe arrondissement. Deux jeunes filles étaient assises à l’avant, elles allaient en boîte de nuit et s’étaient fait belles. Les jeunes ont commencé à les aborder, à devenir de plus en plus pressants. Après des attouchements, ils se sont bagarrés entre eux pour savoir qui allait les violer en premier. Pendant ce temps, les autres voyageurs présents dans le bus baissaient la tête ou levaient leur journal pour ne pas voir la scène.

J’ai déclenché une alarme discrète, puis je me suis interposé comme j’ai pu: je me suis mis devant les deux victimes, et j’ai dit aux agresseurs 'Si vous voulez les toucher, il faudra me passer sur le corps avant'. Je savais très bien que j’allais au casse-pipe. Les policiers sont arrivés juste à temps, puis les jeunes se sont dispersés après avoir cassé les vitres du bus. Après ça, j’ai été reçu par la direction qui, chaque année, félicite des chauffeurs qui ont secouru les usagers. L’un des directeurs m’a dit: 'Bon là, ça s’est bien terminé mais vous savez, il ne faut pas s’interposer. S’il était arrivé quelque chose, on se serait retournés contre vous'.

Les postes de sécurité, peu nombreux et inutiles

L’alarme discrète sert à prévenir un poste de sécurité. En Île-de-France, il n’en existe que quatre la nuit. Si l’un d’eux se trouve dans le centre de Paris, et que nous roulons au nord ou au sud, le temps qu’ils arrivent, des gens peuvent se faire agresser trois ou quatre fois et mourir. Donc ils ne servent à rien."

Propos recueillis par Alexandra Milhat

 

Source : bfmtv

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