C’est pas des
rumeurs »
Maboula Soumahoro, maîtresse de conférence dans une université publique française, se vante donc, face caméra, que les organisatrices du camp d’été décolonial aient autorisé des femmes blanches à participer à leurs ateliers… à condition que celles-ci portent le voile. « C’est pas des rumeurs, martèle Maboula Soumahoro, j’ai été au camp d’été décolonial ».
En voulant clouer le bec de ceux qui accusent les féministes intersectionnelles de racisme, elle révèle la pratique de discriminations religieuses au sein de ce mouvement.
Cette « politique de sélection » des femmes blanches découle de l’esprit général de l’événement tel que le résume l’une des organisatrices, Sihame Assbague : « Avec l’organisation du camp, nous n’avons pas voulu faire de la pédagogie à l’intention des Blancs (…) mais nous concentrer sur les « racisés » comme nous, qui subissent les mêmes oppressions que nous ». Féministe « inclusive » proche du CCIF (Collectif contre l’islamophobie en France), Sihame Assbague considère les femmes portant le voile islamique comme des cibles de discriminations islamophobes. Les femmes blanches arborant le voile sont donc tolérées au sein du fameux camp d’été entre « racisé.e.s ».
La classification des femmes blanches voilées au sein de la catégorie des « racisées » nous vient tout droit des féministes intersectionnelles américaines. L’activiste Linda Sarsour, apôtre du « féminisme musulman », organisatrice de la Women’s March, soutien du mouvement Black Lives Matter et anti-sioniste revendiquée, oeuvre depuis des années pour faire des femmes voilées le symbole de la lutte contre le patriarcat et le racisme. Dans une récente vidéo intitulée Guide du hijab pour les débutantes, elle déclare porter le hijab pour être vue comme une personne « racisée » malgré sa peau claire : « Avant que je ne porte le hijab, j’étais juste une fille blanche banale de New York. »
Ces militantes ne voient aucune contradiction entre le fait de militer contre les discriminations et le fait de trier les personnes selon leur appartenance ethnique ou religieuse. Maboula Soumahoro se dit « absolument pas choquée par ces ateliers » mais tient à rassurer son auditoire : ces mesures de « non-mixité » ethno-religieuse sont « temporaires », précise-t-elle sans toutefois indiquer à partir de quand les « non-racisé.e.s » cesseraient d’être exclus. Dans une tirade aux accents complotistes, elle accuse « la fachosphère » d’avoir créé la polémique et déclare : « Ce qui me choque, c’est l’apparence de l’assemblée nationale, qui est très blanche », fruit selon elle d’un « projet organisé, délibéré ».
Sur le plateau de l’émission 24H Pujadas (disponible ici dans son intégralité), Fatiha Boudjahlat, enseignante proche du Printemps Républicain, s’inquiète pour « la cohésion de la nation » : « Je suis étonnée que des fonctionnaires d’Etat, des enseignants qui vont avoir devant eux des enfants le lendemain, aient accepté de se prêter à ce jeu, c’est-à-dire que les fonctionnaires blancs aillent dans une pièce et que les fonctionnaires racisés aillent dans l’autre. Quid des fonctionnaires métissés ? Est-ce qu’il y avait une troisième salle, comme en Afrique du Sud il y avait des quartiers réservés aux métisses ? »
Militer contre le « racisme d’Etat »… avec l’argent de l’Etat
Comme la plupart des personnalités dénonçant le « racisme d’Etat », Maboula Soumahoro milite grâce aux subsides de l’Etat français. Dans l’émission, Maboula Soumahoro s’étonne que le ministre de l’éducation nationale condamne l’usage du terme « racisme d’Etat » par le syndicat SUD et qu’il porte plainte pour diffamation. Elle souligne que les termes « racisme d’Etat« , « racisme institutionnel« , « blanchité » sont « issus du champ universitaire » et font partie du « patrimoine de la recherche » en France. Elle-même recourt abondamment à cette terminologie, que ce soit dans les cours qu’elle dispense ou dans la thèse qu’elle a soutenue en 2008.
Maître de conférence à l’Université de Tours et enseignante à Sciences-Po Paris, Maboula Soumahoro est un pur produit de l’anti-racisme institutionnel. Fille d’une femme de ménage ivoirienne, Maboula Soumahoro grandit dans un logement social du Kremlin-Bicêtre (94). Etudiante dans les universités publiques de Créteil et Jussieu, elle obtient une bourse universitaire qui lui permet d’étudier à l’université de Columbia, à New York, puis d’y dispenser des cours sur « la diaspora africaine aux étudiants américains ». A son retour en France, elle est « bien accueillie » à l’Université (publique) de Tours et soutient sa thèse consacrée aux mouvements nationalistes jamaïcains et afro-américains grâce au « soutien matériel, logistique et amical » du GRAAT. Dans l’un des cours de civilisation contemporaine qu’elle dispense à Sciences-Po Paris, elle s’intéresse à « la race à la fois comme fait et comme fantasme » et analyse le rôle « de la littérature, de l’art, de la culture, de l’histoire et des politiques »dans « l’assignation » des « non-blancs (Arabes et Roms inclus) » à la « noirité ».
Maboula Soumahoro est également l’initiatrice du Black History Month (Mois de l’Histoire des Noirs) en France. Or, le Black History Month et tout sauf un événement marginalisé par l’Etat : il a précisément été inauguré en 2012 dans la salle Felix Eboué du ministère de l’Outre-Mer, au cœur du très cossu VIIe arrondissement de Paris, et a été en partie financé par les deniers publics.
Un paradoxe relevé par Fatiha Boudjahlat : « Ces gens-là ont réussi un concours très exigeant qui ouvre droit à un statut. C’est la preuve de la réussite et de la méritocratie républicaine (…) et finalement, ils sont encore dans cette posture victimaire d’accusation, alors qu’ils sont dans une position de réussite sociale. (…) Quand on est fonctionnaire d’Etat, on n’a pas été victime du racisme d’Etat, c’est complètement incohérent. »