Une filière internationale de faux mineurs isolés ou non accompagnés étrangers depuis la Côte d’Ivoire et dont Montpellier était la plaque tournante, a été démantelée par la Police aux frontières de l’Hérault -PAF 34- ces dernières semaines.
Pour la première fois dans ce genre d’enquête difficile et de longue haleine, les policiers français et ivoiriens, qui ont uni leur coopération grâce notamment à des officiers de liaison en poste à Paris et dans ce pays africain, sont parvenus à identifier et à arrêter la tête du réseau. Il était à la fois le faussaire qui a procuré à de jeunes adultes les faux documents d’état-civil -18 ans et 20 ans, au lieu de 15 ans et 17 ans figurant sur les pièces d’identité-, mais également l’organisateur des migrations illégales en bateau en Europe, via la Libye, l’Italie et enfin la France avec comme destination finale, Montpellier. Il utilisait des passeurs.
Ce sont des détails relevés par les spécialistes formés pour repérer à la PAF 34 les faux documents administratifs qui ont éveillé les soupçons et pour cause : les documents d’état-civil de cinq mineurs non accompagnés étrangers pris en charge par le Département de l’Hérault portaient tous le même numéro !
Un mineur de…32 ans !
Autre détail : les cinq africains venaient d’une même province de Côte d’Ivoire. L’arrestation de la tête de cette filière a entraîné l’interpellation d’un agent de la mairie de Daola, une ville ivoirienne du centre-ouest chargé de l’état-civil. Cet employé municipal est suspecté d’avoir été un complice actif du trafiquant et d’avoir délivré des documents falsifiés. La tête du réseau -le faussaire et le responsable des passeurs-, ainsi que les mineurs arrêtés dans cette procédure sont tous domiciliés dans cette province de Daola.
Selon le procureur de la République de Montpellier, Christophe Barret, “récemment, un mineur isolé pris en charge par le conseil départemental de l’Hérault avait indiqué être âgé de 17 ans. Le Département a eu un doute. Des vérifications poussées ont permis d’attester formellement qu’il était âgé de 32 ans, en réalité”.
Pour prouver la différence d’âge plus rapprochée, entre deux affirmant avoir 17 ans, alors qu’ils ont 20 ans, une batterie d’investigations sont diligentées, comme des vérifications dans les pays d’où ces migrants sont originaires, des tests osseux etc. Certains sont trahis par leurs déclarations faites avant d’arriver en France, en déclarant aux autorités italiennes être majeurs, alors qu’à Montpellier, ils assurent être mineurs.
Les parents morts étaient vivants !
Les policiers de la PAF de l’Hérault ont confondu des Ivoiriens qui avaient indiqué aux services du Département qui les avaient pris en charge que leurs parents étaient morts, dans leur pays et qu’ils étaient orphelins. “En réalité, quand nous avons saisi leurs téléphones portables, nous nous sommes aperçu qu’ils appelaient régulièrement leurs parents en Côte d’Ivoire”, révèle le commissaire divisionnaire Laurent Siam, directeur interdépartemental de la Police aux frontières de l’Hérault, du Gard et de la Lozère, qui a sous ses ordres 300 policiers, dont des enquêteurs des brigades mobiles de recherches -BMR- basés à Montpellier et à Nîmes.
Selon nos informations, depuis le mois de janvier, 65 dossiers ont été traités par la PAF 34 et douze mineurs non accompagnés étrangers sont en fuite. Identifiés, ils n’ont pas répondu aux convocations. Une opération a été lancée ces derniers jours, avec cinq suspects mis en examen et écroués après des gardes à vue. Un sixième trafiquant est en cavale et activement recherché.
17 plaintes du Département de l’Hérault
Ces investigations ont été déclenchées après 17 plaintes déposées par le conseil départemental de l’Hérault pour un préjudice estimé à 900’000 euros, puisque les mineurs isolés qui étaient majeurs ont profité des aides financières et matérielles du Département. La prise en charge totale d’un mineur non accompagné étranger coûte 284 euros par jour. (…)