La liberté de conscience des pharmaciens (dimanche, 04 septembre 2016)
Publié par Guy Jovelin le 04 septembre 2016
Ecrit par Marc-Antoine Hennet le 03 septembre 2016
Je suis pharmacien hospitalier. Je n’ai donc pas de conflit particulier avec cette question puisque mon métier me permet de dialoguer avec la communauté médicale, le bien être du patient en première ligne. Ma liberté vient de la technicité particulière de l’environnement hospitalier.
Mes confrères officinaux n’ont pas la même chance que moi. Ils sont confrontés directement au marteau législatif (l’obligation par exemple de délivrer une pilule du lendemain) et l’enclume de la patientèle (AU NOM DE LA LIBERTE DE LA FEMME). Où se trouve la liberté du pharmacien ?
Si l’on considère qu’il n’en a pas, pourquoi nous forme-t-on ? Pourquoi avaler des bouquins entiers de pharmacologie, lire des revues (en plus en anglais), travailler et se former en continu, si au final nous ne sommes que des robots, machines à délivrer ?
Ces robots se trouvent en plus à violer allègrement les lois de la robotique (selon ASIMOV in « les robots »). Mise en danger d’un être humain, sans agir pour le sortir de sa situation.
Bientôt par le truchement de ce raisonnement débilitant, le pharmacien et son préparateur se trouveront à délivrer sans contrôle les coktails pour se suicider proprement, les improbables innovations à satisfaire la jobardise de nos contemporains. Lorsque je travaillais en officine, encore étudiant et peu au fait de toutes ces questions, je ne laissais déjà pas partir un patient sans un mot. Oui même pour le viagra® un conseil s’impose. Pour une pilule aussi. Pour la mise à mort apparemment cela poserait problème. La vraie question actuelle est plutot comment peut on laisser mourir des taureaux dans les arènes, des chevaux sur un champ de course, des animaux dans les abattoirs. Mais la survie d’un humain n’est pas un sujet important. L’accompagnement d’une décision par l’information que la Loi nous donne l’obligation de fournir ne s’impose pas à la pilule du lendemain. Le droit de la femme à disposer de son corps n’aurait pas besoin d’être éclairé par un technicien formé pour cela. Bien sûr toutes les femmes ont une conscience innée de leur corps, de sa façon de réagir, de ce qui le blesse et le guérit (il n’existe donc pas d’infertilité mentale, de déni de grossesse, d’aménorrhée psychologique, de troubles de la libido d’origine psychiatrique, …).
Les médicaments sont des produits sûrs ! C’est l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) qui le dit. Elle ne se trompe pas comme son prédécesseur l’Agence Française de Sécurité Sanitaires des Produits de Santé (AFSSaPS) avec le médiator®. Non la leçon est apprise et comprise. Le conseil est superflu. Dans ce domaine il serait même inhumain de parler à son patient. Lui donner les arguments en faveur ou non de son acte. Mais surtout pour éviter d’avoir à recommencer l’épreuve de s’administrer une dose phénoménale d’hormones. D’ailleurs les hormones n’ont jamais fait de mal ni provoqué de cancer …
Enfin, le pharmacien est un demi citoyen. La liberté inscrite au fronton des mairies n’est pas pour lui. Tais toi et bosse ! Le légalisme se pose en KAPO mais ce n’est pas une dictature. Voici donc officiellement le programme sociétal en cours au travers ce cette seule question :
« La guerre, c'est la paix. La liberté, c'est l’esclavage. L'ignorance, c'est la force. » (ORWELL in 1984)
Marc-Antoine HENNET
Le Parti de la France Haute-Garonne
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Commentaires
Réponse à Coriolan
Oui les pharmaciens d'officine sont des commerçants. Notre statut de commerçant nous amène à être souvent dévalorisés devant les autres professions médicales et paramédicales. Pourtant sans pharmacien rien ne serait possible. Il n'existerait ni médicament, ni dispositif médical. Les contrôles qualités sont draconiens. La traçabilité systématisée. Ce qui est vu en surface : un comptoir, n'est en rien la réalité de notre activité (en ville comme à l'hôpital). Et nous sommes la seule profession libérale payée à la "boîte", pourtant nous n'en commandons pas la vente (hors substances non vénéneuses) . Donc oui il y a un conflit d'intérêt de la part du pharmacien. Lorsqu'il remet en cause une prescription médicale, il se prend d'un côté un abattage par un médecin 4 fois sur 5 imbu de lui-même, de sa supériorité. Et en plus il perd de l'argent puisque la boîte n'est pas vendue.
En ville les pharmaciens sont des commerçants mais ils sont cependant soumis à un code déontologique très strict. Le fait que certains puissent se permettre de franchir des limites en délivrant des traitements supposément retirés existe et a existé. Comme d'ailleurs les trafics d'érythropoïétine (EPO) pour les sportifs (et j'en passe et des meilleurs). Jouer à ce jeu se solde par une interdiction définitive d'exercer. Cela nous amène à parler de l'organe de contrôle des pharmaciens, qui les représente, les défend et les sanctionne : l'Ordre des pharmaciens. Comme pour les médecins, franchir des limites se solde automatiquement par une sanction. L'ordre veille et s'il est critiquable, son action se fonde intégralement sur la protection des patients, donc la formation et le contrôle de ce qui pratique la pharmacie.
Le fait est que une officine ferme tous les trois jours en France depuis 2008. Certes autrefois les pharmaciens d'officine gagnaient (trop) bien leur vie. Maintenant ils vivent parfois mal, particulièrement dans les campagnes. La question générale de la pharmacie en officine bute contre la logique de la vente.
Pour ce qui est de mon propos original, la clause de conscience aurait pour effet de sanctuariser la décision du pharmacien. Les hormones sont nécessaires à tout organisme (pluricellulaire) vivant. Mais les doses employées en traitement de diverses pathologies, ou les hormones transformées pour en améliorer l'efficacité, sont par nature pourvoyeuses d'effets indésirables. C'est ce que l'on appelle le rapport bénéfice/risque. Obliger à délivrer n'amène qu'une chose : le désintéressement de la question médicale. Au final ne concentrer l'attention que sur ce qui reste : la ligne en bas de la facture. La pilule du lendemain aujourd'hui sans contrôle parental ou médical, sans traçabilité des doses administrées est un risque majeur pour les femmes et les jeunes filles. L'obligation de délivrer rend le conseil caduc, toute information étant bloquée par le "j'ai le droit à ...".
La question vétérinaire est intéressante de son côté mais incomplète. Chaque animal ne réagissant pas de la même façon (le paracétamol est toxique chez le chat, le chien ne supporte guère que l'ibuprofène et pas l'aspirine, ...). Et la pharmaco-vigilance ne s'applique qu'à l'homme (peut-être cela changera-t-il un jour, j'ai travaillé en pharmaco-vigilance nous n'avions déjà pas le temps de chômer).
Pour ce qui est de la science, Prescrire.org s'érige avec raison contre les prescriptions et délivrances en masse, sans qu'est été pesée en amont la nécessité du traitement. Cela est toute ma vie à l'hôpital. Les médecins hospitaliers et moi-mêmes nous débattons avec des traitements instaurés sans raison évidente ou de façon non optimale. Le pharmacien est formé et se forme en continu. Je rappelle qu'il a beau être commerçant, il ne génère pas la vente de sa marchandise. Elle est "ordonnée" par un tiers, le médecin. C'est à lui qu'incombe l'évaluation du bénéfice et du risque. Et encore une fois une distribution sans ordonnance de la pilule du lendemain n'est pas une dispensation dans les règles.
Écrit par : Marc-Antoine HENNET | mardi, 06 septembre 2016