Je ne vais pas me livrer ici à l’art difficile, et tout à fait subjectif, de la critique de cinéma. Je me dois, d’ailleurs, de vous avouer ne pas encore avoir vu le filmFatima. Il n’y a rien de plus malhonnête que de juger une œuvre, quelle qu’elle soit, sur ses intentions ou l’idée que l’on peut s’en faire dans les médias et ailleurs.

Tout juste vais-je me contenter d’analyser les réactions qui ont fait suite à l’attribution du César du meilleur film au dernier opus de Philippe Faucon, réalisateur auparavant peu connu, et pas spécifiquement distingué par les critiques.

Son œuvre traite principalement de la question de l’immigration musulmane en France. Avant Fatima, il a réalisé La Désintégration, qui racontait la « radicalisation » de deux jeunes des quartiers dits « sensibles », et dans lequel jouait Rashid Debbouze, frère de.

J’avais trouvé malsaine la fascination ressentie par le réalisateur pour son personnage principal, salafiste haïssant la France. Triste ironie de l’Histoire, Charlie Hebdo avait descendu le film : « Lénifiant, d’une platitude analytique et esthétique qui ferait passer un exposé de collège pour une thèse de normalien, ce téléfilm aux allures de docu-fiction appliqué révèle un nouveau journaliste, mais pas encore un cinéaste. »

C’est avec un thème plus consensuel que Philippe Faucon se voit aujourd’hui consacré. Fatima narre l’histoire d’une femme de ménage d’origine maghrébine qui renoue avec ses filles suite à un accident de travail l’obligeant à s’arrêter. Un film au thème très « service public », louchant du côté d’un réalisme social qui plaît généralement aux jurés et aux institutions, ministère de la Culture compris. La plupart des critiques ont été bonnes, sans excès.

Dans ce concert de louanges polies, quelques voix dissonantes, notamment celle de Patricia Neves pour Marianne : « Bourré de bons sentiments voire de clichés – la mère dévouée, la patronne bourgeoise pingre, l’enfant pauvre qui veut devenir médecin et l’enfant riche qui ne fout rien, etc. -, le film déroule alors une succession de tableaux attendus qui frisent parfois la caricature. »

Typiquement le discours délivré à nos enfants en cours d’éducation juridique et sociale. L’immigrée est gentille, ses enfants sont vaillants. La Française « de souche » est radine, ses enfants sont mal élevés et fainéants. Certes, je n’ai pas vu le film. Pourtant, mon petit doigt me dit qu’il doit y avoir du vrai dans la critique de Patricia Neves. Fatimasemble avoir toutes les caractéristiques du mauvais épisode de L’Institdéguisé en film de cinéma.

Un professionnel du cinéma le pense aussi. Pas n’importe qui. Rien moins que Guillaume Gallienne, sociétaire de la Comédie-Française, réalisateur primé l’an passé pour Les Garçons et Guillaume, à table !, personnalité médiatique appréciée dans et hors du sérail. « Je m’interroge quand même sur le choix du cinéma français, en tout cas de la famille du cinéma français, à vouloir, tout le temps, prôner la diversité culturelle. Parfois, je ne sais pas à quel point le moteur de ça est artistique ou politique », a-t-il déclaré au micro de RTL, suscitant l’ire de la presse bien-pensante. Didier Péron, rédacteur en chef adjoint du service culture de Libé, l’a carrément insulté et, comme il est d’usage, psychanalysé.

En France, il ne faut pas toucher aux tabous sous peine d’excommunication. Guillaume Gallienne l’apprend à ses dépens. Quant à moi, je le salue pour son courage, je le salue pour avoir osé susciter une polémique sur un sujet qui devrait nécessairement faire consensus dans le petit milieu compassé du cinéma bobo.

Vive la liberté d’expression !

Juriste