Dans la nuit du 4 août sur les coups de 3 h 30 du matin, j’ai eu la chance de faire une immersion aux urgences d’un hôpital d’une banlieue de l’est parisien.
Tandis que les pompiers, très efficaces et sympathiques, remettaient mon fils à l’équipe soignante chargée de lui remettre son épaule en place après une lutte malheureuse contre un moustique, il me fallait me rendre à l’accueil, accueil que je n’ai pas de suite repéré puisqu’il était plongé dans le noir.
J’ai poussé une porte sur laquelle était collé l’inévitable « Vigipirate » à usage purement décoratif puisque personne ne surveille les entrées du lieu où n’importe quel porteur de bombe peut pénétrer sans encombres. Mais il en va ainsi de la plupart des lieux où l’affiche est placardée.
J’ai avancé dans le noir jusqu’à un bureau derrière lequel se tenait un homme d’origine africaine, écouteurs plantés dans les oreilles. Face à lui, deux Africains en kami se tenaient assis, somnolant pendant que s’égrenaient les heures.
Le réceptionniste m’a proposé d’appuyer sur l’interrupteur derrière moi pour éclairer le lieu. C’était en effet plus pratique pour lire les renseignements sur la carte d’identité… Après quelques instants, la lumière s’est éteinte. J’ai à nouveau tendu le bras vers le bouton. A peine avais-je appuyé que l’obscurité est cette fois aussitôt revenue. Dans un gloussement commun avec mon interlocuteur, il m’a dit d’abandonner, que ça ne faisait rien, tout en tapant des choses sur son clavier.
Puis je suis allée m’installer dans une salle d’attente improbable, à mi-chemin entre l’hôpital de brousse et la cantine de l’ex RDA. La seule trace de modernité résidait dans un petit écran télé diffusant en continu des clips vidéos avec le son au maximum. Devant moi étaient assises trois Africaines dont une voilée, la plus âgée dormant, les deux autres tentant de faire de même.
Les peintures, alliant une heureuse association de gris et de marron du meilleur goût, étaient écaillées de partout, des papiers traînaient au sol. Je n’ai pu m’empêcher de penser à ces clichés de maternités algériennes dans un état déplorable. Le lieu où je me trouvais ne pouvait être celui d’un hôpital de France, à voir cet état de décomposition avancée, il n’y avait pas de doute, j’étais dans le tiers-monde.
Un couple est passé dans le couloir, une femme maghrébine entièrement voilée avec son barbu tenant une poussette. Le service de pédiatrie se trouvait en face de la salle d’attente. A un moment donné, j’ai entendu des cris de protestations puis une femme répondre d’un ton sec « calmez-vous, monsieur ! ».
Insupportée par les vociférations musicales de la télé, je suis sortie m’aérer un peu. Quelques personnes ont fait de même, les deux Africains en kamis, un médecin fumant sa cigarette, ainsi que deux juifs portant leur kippa.
Je remarquai trois ambulances marquées « Pédiatrie CHU Avicenne », l’hôpital des musulmans…
A l’intérieur, deux hommes passaient une serpillière qui semblait encore plus crasseuse que le sol. Mon fils m’a raconté un peu plus tard que l’un d’eux chantait du zouk à tue-tête à proximité de la salle de soins où il se trouvait…
Il m’a relaté aussi que la procédure consiste à endormir le patient au dernier moment (il n’en est pas à son premier déboitement d’épaule !). Or là, l’infirmière a commencé à lui poser le masque sur le visage dès son arrivée avant d’être stoppée in extremis par le médecin, lequel parlait un français mâtiné d’arabe faisant que mon fils n’a pas compris la totalité de ce qu’il lui disait.
Une fois les soins achevés, une infirmière lui a dit qu’il pouvait partir, sauf qu’il avait encore le cathéter planté dans le bras…
En le voyant sortir, j’imaginais le voir plâtré ou au moins avec un support de bras. A ma grande surprise, celui-ci n’était maintenu qu’avec un bout de tissu déchiré à la va-vite, large de 3cm. Comme je m’en étonnais, il m’a dit en riant que l’hôpital était en rupture de stock du matériel idoine et qu’il faudrait prendre RV pour en récupérer un. J’en restai estomaquée.
Nous avons quitté les lieux vers 4 h 30 du matin, à pied, lui en chaussons et torse nu, sans savoir où nous nous trouvions précisément, sans transports en commun pour rentrer, sans âme qui vive dans la rue. Par chance, un taxi est passé par là…
Caroline Alamachère
Source : ripostelaique
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