Si Marine Le Pen n’est pas montée au créneau sur l’affaire Penelope Fillon, ce n’est pas pour rien… La présidente du Front national et d’autres élus de son parti sont eux aussi soupçonné d’emplois fictifs d’assistants parlementaires. Le cadre de la fraude n’est, cette fois, pas l’Assemblée nationale mais le Parlement européen. Cette affaire, qui pourrait bien plomber la campagne de Marine Le Pen à quelques semaines de l’élection présidentielle, a fait l’objet d’une enquête menée par l’Office européen de lutte antifraude (Olaf) qui se poursuit désormais en France au pénal à l’initiative du parquet de Paris.

L’enquête européenne : le Parlement réclame 340.000 euros

Les soupçons remontent à juin 2014 lorsque l’Olaf reçoit un courrier anonyme. L’organisme commence alors à enquêter pour savoir si oui ou non Marine Le Pen utilise l’enveloppe budgétaire qui lui est allouée au Parlement européen pour rémunérer des personnes travaillant en réalité pour le parti. Les contrats et le parcours de douze de ses assistants parlementaires employés depuis 2009 sont scrutés par les enquêteurs. Dans un rapport, dont des extraits ont été publiés par Mediapart et Marianne, l’Olaf estime que deux personnes ont bénéficié d’un emploi fictif.

Thierry Légier, d’abord, a été employé à deux reprises comme assistant européen local de Marine Le Pen. De septembre à décembre 2009, l’Olaf estime qu’”il existe une contradiction et une impossibilité matérielle” entre son activité d’assistant et celle de garde du corps de Jean-Marie Le Pen qu’il raconte lui-même dans un livre autobiographique. Lors de cette période, il aurait été payé 1.619,85 euros net par mois ce qui correspondrait à un coût de 12.000 euros charges comprises pour le Parlement européen. Thierry Légier a de nouveau été embauché comme assistant de Marine Le Pen entre le 1er octobre et le 31 décembre 2001 pour 7.237 euros net mensuels, une rémunération que l’Olaf estime “extrêmement élevée”. La présidente du FN se serait justifié en expliquant que Thierry Légier n’aurait alors pas travaillé pour elle mais que ce second contrat constituait “une régularisation ancienne” à la suite d’une “erreur”. Une version démentie par le Parlement européen. Pour l’Olaf, “le bulletin de salaire établi pour le mois d’octobre 2011 (...) constituerait un faux”.

L’autre personne pointée du doigt par l’Office européen de lutte antifraude est Catherine Griset, amie et chef de cabinet de Marine Le Pen au siège du parti, à Nanterre. A propos de son contrat d’assistante au Parlement du 1er décembre 2010 au 15 février 2016, l’Olaf dans son rapport fait état de ses “doutes quant à son activité réelle”. Catherine Griset aurait “toujours résidé dans les environs de Paris”, n’aurait pas de ligne téléphonique belge, sa voiture n’aurait jamais été vue à l’entrée des bâtiments à Bruxelles ou Strasbourg et le relevé de ses badges révèlerait “une très faible présence” au Parlement. “J’ai été logée par des amis qui avaient une grande maison”, aurait expliqué Catherine Griset aux enquêteurs d’après L’Obs. “Je rentrais par le parking, dans la même voiture que madame Le Pen”, aurait-elle également affirmé.

C’est sur ce rapport de l’Olaf que s’est basé le Parlement européen pour réclamer à Marine Le Pen le remboursement de près de 340.000 euros, soit les salaires de Thierry Légier (41.554 euros) et Catherine Griset (298.392 euros). Concernant cette dernière, la présidente du FN avait jusqu’au 31 janvier pour s'acquitter de sa dette. Mais Marine Le Pen ayant refusé de payer, le Parlement européen devrait commencer à la mi-février à se servir directement sur son indemnité d’eurodéputé, son enveloppe de frais généraux et son indemnité de séjour. Pour le recouvrement des salaires de Thierry Légier, le délai court jusqu’au 28 février.

L’Olaf nourrissait également des soupçons d’emplois fictifs sur les contrats d’assistants européens de Louis Aliot et de Florian Philippot mais a abandonné les poursuites faute d’éléments factuels suffisants.

L’enquête en France : Catherine Griset mise en examen

L’Olaf ayant relevé des faits pouvant constituer une infraction pénale en France, le rapport a été transmis en juillet 2016 à la justice tricolore. En décembre dernier, le parquet de Paris a ouvert une information judiciaire contre X pour abus de confiance et recel, escroqueries en bande organisée, faux et usage de faux et travail dissimulé. Dans le cadre de cette enquête, de nombreuses perquisitions ont été effectuées au siège du FN à Nanterre, chez plusieurs députés européens ainsi que sur leur lieu de travail.

Le 22 février, Catherine Griset et Thierry Liéger ont été placés en garde à vue pour être entendus par les policiers de l’Office anticorruption de la police judiciaire. Alors que le garde du corps a été libéré après son audition, Catherine Griset a été mise en examen pour recel d’abus de confiance.

La défense de Marine Le Pen : une “opération médiatique”

Marine Le Pen s’est exprimée à plusieurs reprises au sujet de cette affaire d’emplois fictifs. Invitée du 20h de TF1 le 22 février, elle a de nouveau “contesté formellement les faits” et a dénoncé une “instrumentalisation de la justice”. “Il s’agit à l’évidence d’une opération médiatique dont le seul but est de tenter de perturber le bon déroulement de la campagne électorale présidentielle”, avait réagi quelques jours plus tôt le FN dans un communiqué. Alors que Marine Le Pen était invitée de TF1 le 28 janvier dernier, elle avait déjà contesté l’enquête de l’Olaf, une procédure qui serait “menée par (ses) adversaires politiques au sein du Parlement européen”. “Nous sommes l’opposition, nous les gênons beaucoup et nous avons de plus en plus de pouvoirs”, avait-elle ajouté. Le FN vise notamment Martin Schulz, ex-président socialiste du Parlement européen qui avait saisi l’Olaf en mars 2015.

L’avocat de Marine Le Pen, Me Marcel Ceccaldi, a déposé une plainte auprès de la justice belge contre le directeur général et la directrice des enquêtes de l’Olaf pour faux.

Et les autres eurodéputés FN ?

Marine Le Pen ne serait pas la seule eurodéputée FN à devoir rembourser le salaire de ses assistants au Parlement européen. Selon L’Obs, une vingtaine de personnes aurait été payée avec l’argent de Bruxelles pour des activités exercées en réalité au siège du parti à Nanterre. Au total, le Parlement européen aurait demandé le remboursement de 1,1 million d’euros. Marine Le Pen devrait donc s'acquitter du paiement de 340.000 euros, Jean-Marie Le Pen de 320.000 euros, Bruno Gollnisch de 275.000 euros, Sophie Montel de 77.000 euros, Mylène Troszezynski de 56.000 euros et Dominique Bilde de 40.000 euros.

Sophie Levy

 

Source : capital