L'initiative a de quoi surprendre. Initiée il y a quelques mois, la création d'un “gouvernement provisoire pied-noir en exil” est entrée dans sa phase concrète. Il y a quelques jours, la composition de ses principaux responsables a été actée lors d'une réunion organisée dans un restaurant de Lattes, près de Montpellier.
"Ils ne constituent pas un peuple"
Professeur de droit constitutionnel, Dominique Rousseau analyse les éléments sur lesquels s’appuient, au travers de différents courriers, les promoteurs de l’initiative pour motiver la création d’un “gouvernement provisoire pied-noir en exil”.
“Ils revendiquent dans leurs missives le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Soit, mais encore faut-il que les pieds-noirs soient juridiquement reconnus comme un peuple à part entière, comme les Kurdes par exemple qui en ont les éléments caractéristiques. À mon sens, ce sont des citoyens Français qui se sont installés à un moment donné en France”, commente-t-il.
Son décryptage s’attache ensuite sur un second élément, “induit par le premier point”. “Les pieds-noirs n’ont pas de territoire. Parce que, précisément, ils ne constituent pas un peuple. Leur territoire est celui de leur nationalité, la France. Ils ne peuvent donc pas se dire en exil.” Le juriste poursuit : “Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ne conduit pas à revendiquer automatiquement un État.”
Dominique Rousseau trouve la démarche de créer un gouvernement provisoire “surprenante”. “Le gouvernement en exil, c’est de Gaulle, à Londres, lorsque son propre territoire est occupé. La première chose qu’il avait faite, ça a été de montrer qu’il avait un territoire. Là, il n’y a de base ni constitutionnelle, ni juridique, ni territoriale. Certes, les initiateurs de ce gouvernement en exil précisent bien qu’ils n’ont pas de territoire, puisqu’ils parlent de négociations pour en acquérir un.”
Tout au plus un “territoire privé”
D’ailleurs, l’acquisition d’un territoire, selon lui, ne ferait de celui-ci qu’un “territoire privé”. Un territoire qui n’aurait “aucune compétence juridique pour édicter des règles, un code civil, un code pénal. C’est à mon sens juridiquement impossible.”
“La création de notre État s'appuie sur la Convention de Montevideo du 26 décembre 1933 qui officialise le droit des peuples à se constituer en État. Or, le peuple pied-noir est une réalité de 5 millions d'âmes, dont 1,3 million résidant en France”, explique Jacques Villard, installé à Faugères, dans l'Hérault.
L'initiative est poussée très loin. Le nouvel “État” s'est doté d'un Service de renseignement et de sécurité (Seres). Des “ambassadeurs” seront progressivement nommés. Il est doté d'un drapeau et d'un hymne. Et s'apprête même à disposer d'un premier territoire. “Un État peut se créer s'il y a unité d'esprit, de langue, d'histoire et de territoire”, rappelle en préambule le porte-parole du gouvernement provisoire pied-noir en exil. “Concernant le territoire, nous sommes en train de l'acheter. Notre recherche se concentre entre Gênes et Alicante. Nous travaillons sur plusieurs propositions. Nous souhaitons nous installer sur au moins une centaine d'hectares.”
“Nous recherchons un territoire”
Un courrier a été adressé, le 30 mai dernier, via son ambassadeur à Paris, au chef de l'État algérien, Abdelaziz Bouteflika. Une missive a également été envoyée, le même jour, à Emmanuel Macron, le Président français. “Nous leur avons officiellement transmis une demande de rendez-vous afin de présenter notre initiative.” Jacques Villard y insiste : “La création d'un État pied-noir n'est pas faite pour regarder vers le passé, malgré les années de souffrance et l'exode. Nous regardons devant. Notamment vers deux pays : la France, notre mère patrie, et l'Algérie, notre berceau.”
Source : midilibre
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