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vendredi, 24 novembre 2017

Comment le ministère des Armées a perdu plus d’un milliard d’euros au cours des cinq dernières années

Publié par Guy Jovelin le 24 novembre 2017

Laurent Lagneau 

 

Aussi incroyable que cela puisse paraître, il y a des économies qui coûtent cher. Tel est l’enseignement que l’on peut tirer du référé sur la mise en oeuvre de la Loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019, que la Cour des comptes vient de rendre public.

En effet, les magistrats de la rue Cambon n’ont pas ménagé leurs critiques sur l’exécution de la LPM en cours, réactualisée en juillet 2015 afin de prendre en compte le nouveau contexte sécuritaire après les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Casher.

La principale critique de la Cour des comptes porte sur l’incohérence entre les ambitions affichées en matière de défense et les moyens accordés aux armées. Un phénomène déjà « constaté lors des lois de programmation précédentes », souligne le référé.

Pour rappel, la LPM 2014-2019 prévoyait, avant son actualisation, de maintenir; jusqu’en 2016, le budget de la Défense au niveau qui était le sien en 2013, soit à 31,4 milliards d’euros. Compte-tenu de l’inflation (qui plus est toujours plus forte par rapport à la moyenne nationale quand il s’agit d’équipements militaires), cela s’est traduit par une perte du pouvoir d’achat des armées.

Mais toujours est il que ce décalage entre ambitions et moyens, sous couvert d’économies à court terme, se révèle finalement coûteux à long terme, dans la mesure où le ministère des Armées a dû s’employer à renégocier des programmes d’armement, soit pour en réduire les commandes, soit pour en étaler les livraisons et les paiements.

Ainsi, note la Cour des comptes, « l’étalement des livraisons pour les trois programmes des frégates européennes multi-missions (FREMM), des sous-marins Barracuda et des avions de transport A400M a induit des coûts additionnels dépassant 1 milliard d’euros » et « ces renégociations, dont les effets se sont cumulés avec celles déjà menées en 2009, ont eu pour résultat une envolée des coûts unitaires des matériels. »

Le référé prend l’exemple des Frégates multimissions (FREMM). Initialement, la Marine nationale en attendait 17 exemplaires. Une première réduction a eu lieu lors de la LPM 2009-2014, avec une réduction de commande de 6 navires. Et désormais, il n’est plus question que de 8 bâtiments de ce type.

Résultat : le coût unitaire d’une FREMM s’est envolé de 67% par rapport aux devis initiaux.

Mais ce milliard perdu n’est qu’un minimum. Étaler des livraisons signifie qu’il faut maintenir en service des équipements vieillissants plus longtemps, avec ce que cela suppose en termes de maintenance (MCO). Et l’on ne parle pas de l’efficacité opérationnnelle.

Par ailleurs, la Cour de comptes critique également le recours excessif aux ressources exceptionnelles, dont les retards ont conduit à « l’utilisation contestable du programme d’investissement d’avenir pour financer des contrats déjà engagés avant que la décision de rebudgétisation de ces ressources ne soit finalement prise à la fin de 2015. »

Enfin, le référé rappelle que les mesures prises lors du Conseil de défense d’avril 2016 n’ont pas donné lieu à une nouvelle actualisation de la LPM, contrairement à ce qui avait été fait un an plus tôt. Et cela, alors qu’il aurait fallu trouver 2,2 milliards d’euros supplémentaires pour les financer.

« Le contexte d’activité intense des forces, en opérations extérieures ou dans le cadre de l’opération Sentinelle, a dépassé durablement les contrats opérationnels fixés aux armées et aggravé l’écart entre les ambitions militaires, les besoins capacitaires et les moyens budgétaires », souligne la Cour des comptes. Et, malgré les décisions prises en 2015 et en 2016, qui « ont permis de combler certains manques capacitaires », il n’en reste pas moins que l’intensité des engagements a entamé « le potentiel des forces, qu’il s’agisse des hommes dont letemps de formation est réduit ou des matériels dont l’usure est accélérée. »

Et ce conclure : « Il en résulte, en dépit des efforts budgétaires en faveur du maintien en condition opérationnelle, une dégradation des taux de disponibilité de la plupart des matériels. »

S’agissant de la prochaine Loi de programmation militaire, en cours d’élaboration après la publication de la Revue stratégique, la Cour des comptes prévient que « la croissance importante et durable des besoins financiers à venir de l’outil de défense devra s’inscrire dans le cadre de la situation générale des finances publiques, marquée par une dette publique croissante qui dépasse 96 % du PIB et la trajectoire financière du programme de stabilité dont le respect impose de nouvelles mesures de redressement sans délai. » Aussi, poursuit-elle, il s’agira « de concilier les ambitions stratégiques de défense et la souveraineté budgétaire de la France. »

Pour les magistrats, il faudrait donc « exclure toute mesure nouvelle qui alourdirait directement ou indirectement la charge financière de la mission Défense sans s’inscrire pleinement dans les objectifs du LBDSN [Livre blanc sur la Défense et la sécurité nationale de 2013, ndlr] ». Qui plus est, ils estiment que le ministère des Armées devra « contenir l’ampleur des efforts financiers », « poursuivre résolument les chantiers de transformation déjà entamés, qui peinent à dégager des économies » et renforcer « les efforts de maîtrise de la masse salariale. »

Dernier point, la Cour des comptes propose, ni plus ni moins, de faire de la « communication » autour de l’objectif de porter l’effort de défense à 2% du PIB, « en utilisant les possibilités ouvertes par la définition de l’Otan, comme le font d’autres membres de l’Alliance », c’est à dire en y intégrant les pensions ou encore « le financement de recherche et développement au bénéfice du secteur militaire. »

 

Source : opex360.com