En 1969, dans le film Le Cerveau, Bourvil creusait un tunnel à l’aide d’une machine de son invention pour permettre à son vieux copain Belmondo de s’échapper de la Santé, dans des conditions tellement rocambolesques que, si nul ne pouvait y croire, chacun pouvait en rire. Le père ayant disparu, seuls subsistent ses films et ses fils dont un, prénommé Dominique, est député socialiste. Nul n’est parfait. Sans doute marqué à vie par ce morceau d’anthologie souterrain, mais n’ayant peut-être pas compris que les prisons françaises de 2014 n’ont rien à voir avec celles de 1969, et que les détenus y ont rarement la gueule de Bébel, notre député veut vider les prisons.
L’idée n’est guère originale, non seulement depuis l’arrivée de la délicieuse madame Taubira place Vendôme, mais même avant puisqu’en dépit des effets d’annonce, et de quelques réformes positives, le gouvernement Fillon avait déjà rendu plus aisée la libération conditionnelle et moins fréquent le recours à l’incarcération.
Mais la situation est aujourd’hui différente puisque le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale a refusé à madame Taubira de prolonger le moratoire sur l’application d’une règle inscrite dans notre droit depuis plusieurs décennies, soit l’encellulement individuel des détenus dans les prisons françaises.
En soi, la mesure apparaît légitime. En premier lieu parce que nos prisons sont souvent vétustes, anciennes, inadaptées à la population qui y vit, et que quelle que soit la considération que l’on peut avoir pour des individus dont la place est manifestement derrière les barreaux, ils n’en restent pas moins des hommes qui, comme tels, doivent être traités avec dignité et humanité. Et vivre à trois dans une cellule de 9 m², avec des toilettes non cloisonnées au milieu, est littéralement indigne.
Mais les prisons françaises sont surpeuplées, et le gouvernement a fait stopper le programme de construction immobilier de son prédécesseur… Le mélange de raisons budgétaires et idéologiques n’appelait pas d’autre réponse. L’encellulement individuel est, en l’état actuel de nos prisons, impossible à mettre en œuvre, à moins de construire des prisons ou… de réduire le nombre de détenus ! C’est dans ces conditions que monsieur Raimbourg a proposé toute une série de mesures destinées à en limiter le nombre, à les faire sortir plus vite, à surseoir à la mise à exécution des peines d’emprisonnement, voire à allonger les délais de jugement : les victimes apprécieront, si toutefois elles ont encore quelques illusions sur la considération que leur porte le système judiciaire.
Incompétence ? Imprévision ? Non, idéologie. Ces gens-là savent parfaitement ce qu’ils font. La politique de décarcéralisation est trop systématique pour être accidentelle et relève d’une ligne de conduite très claire : excuser le délinquant, déconsidérer la victime. Et, accessoirement, flanquer le bazar dans une société dont les fondements sont méthodiquement sapés. La prison pour les délinquants et criminels doit relever du stéréotype à combattre. Comme la poupée pour les filles et l’aptitude à courir le marathon pour les Kenyans. Cela ne vous rappelle rien ?
On a beau dire que les chiens ne font pas des chats, être le fils de Bourvil ne prédispose pas nécessairement à faire rire…
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