Nous, les cons qui aimons le Brexit : une anthologie
Par Eric Verhaghe Jusqu’ici tout va bien 26 Juin 2016
Le Brexit n’a pas l’air de plaire au gouvernement profond. Celui-ci donne ses meilleurs chiens de garde pour expliquer que le referendum britannique n’est rien d’autre qu’un triomphe de la bêtise contre l’intelligence, une victoire épouvantable des cons sur les gens éclairés et capables de décider. Une tripotée d’amis qui se tiennent par la barbichette depuis des années pour capter les médias à leur profit et s’y auto-congratuler en infligeant au pays leurs idées toxiques (et lucratives) enrage de voir que les Anglais n’ont pas fait comme on leur avait dit de faire. Et les noms d’oiseaux fleurissent.
En hommage à tous ces cons auxquels je suis fier d’appartenir, je voulais aujourd’hui présenter une anthologie des meilleures marques de mépris reçus de la part de la caste des petits animaux rampant devant le gouvernement profond, et adresser une rapide réponse forcément très conne à leurs arguments forcément très intelligents.
Médaille d’or à BHL
Pour redonner du sens à une situation où la nomenklatura française a perdu le nord, le troisième quotidien le plus subventionné de France: Le Monde, a appelé à la rescousse le plus brillant (et le plus désintéressé) philosophe de notre époque, Bernard-Henri Lévy, qui a écrit:
Ce Brexit, c’est la victoire, non du peuple, mais du populisme. (…)
C’est la victoire, autrement dit, du souverainisme le plus rance et du nationalisme le plus bête.
C’est la victoire de l’Angleterre moisie sur l’Angleterre ouverte sur le monde et à l’écoute de son glorieux passé.
C’est la défaite de l’autre devant la boursouflure du moi, et du complexe devant la dictature du simple. (…)
C’est la victoire des casseurs et des gauchistes débiles, des fachos et hooligans avinés et embiérés, des rebelles analphabètes et des néonationalistes à sueurs froides et font de bœuf. (…)
Ce sera, toujours, la victoire de l’ignorance sur le savoir.
Ce sera, chaque fois, la victoire du petit sur le grand, et de la crétinerie sur l’esprit. (…)
J’en passe et des meilleures, ce texte étant la longue répétition de la même phrase sous toutes ses formes: les cons ont battu les génies.
Je suis heureux d’avoir lu ce très grand texte de BHL (et je me félicite que le contribuable file 13 millions d’euros au Monde pour publier ce texte plein de reconnaissance pour les « cons »), grâce auquel j’ai compris pourquoi je n’aurais jamais eu l’agrégation de philosophie si je l’avais tentée, et grâce auquel je sais enfin pourquoi certains passent en boucle à la télévision pour y exposer leurs idées. Ils sont intelligents, et moi je suis con. Je suis un rebelle analphabète, voire un hooligan embiéré, en plein boursouflure du moi. Ceux qui, comme BHL, sont contre le Brexit et pour le « Remain » appartiennent en revanche à « l’esprit », au « complexe ». Moi qui suis soumis à la « dictature du simple », je ne peux pas comprendre leurs raisonnements.
C’est d’ailleurs parce que je suis très con que je ne suis convaincu par aucun des brillants arguments de BHL.
Médaille d’argent à Quatremer
Sous la plume d’un Jean Quatremer qui nous a habitué à mieux sur Libération (sixième quotidien le plus aidé de France), on lira des considérations d’une ironie facile sur le choix des Britanniques.
Amis Anglais et Gallois, merci, du fond du cœur. Vous avez su résister à tous les arguments, des plus rationnels aux plus apocalyptiques, de ceux qui militaient pour le remain. (…) Vous avez pris le risque de diviser pour longtemps votre société entre, d’une part, jeunes, diplômés et urbains, massivement «remain», et, d’autre part, vieux, peu diplômés et ruraux, massivement «leave», une fracture sociale pour longtemps béante.
Vouloir le Brexit, ce n’est évidemment pas poser la question du fonctionnement de l’Union Européenne et de sa rationalité économique. C’est seulement appartenir à la catégorie peu ragoûtante des « vieux, peu diplômés et ruraux ». On continue:
Votre sursaut churchillien restera dans l’histoire ! Car vous savez ce qui vous attend : après la Seconde Guerre mondiale, vous vous êtes enfoncé dans la dépression économique au point que le FMI a dû voler à votre secours, comme une vulgaire Grèce. Votre PIB, lors de votre adhésion en 1973, était l’un des plus bas de la CEE, et c’est pour cela que vous avez rejoint un projet qui vous répugnait.
Bien entendu, l’appauvrissement de la Grande-Bretagne en 1973 n’a rien à voir avec son excès de réglementation et tient uniquement à son absence de la Communauté Européenne à l’époque. Et le retour de la Grande-Bretagne à la prospérité ne doit rien aux réformes lancées par Margaret Thatcher, mais doit tout à sa simple adhésion à l’Union.
Là encore, nous les cons, nous n’avons rien compris et nous devrions nous élever vers la lumière en acceptant sous coup férir une argumentation émise avec beaucoup de finesse par des gens beaucoup plus intelligents que nous.
Médaille de bronze à Jacques Attali
Comme toujours en phase de stress, les bobos du Monde convoquent tous leurs meilleurs amis des salons parisiens pour expliquer ce qu’il faut penser. Plus subtile que BHL, Attali s’est senti obligé d’ouvrir le débat de façon drolatique, et avec un total manque de clairvoyance (puisqu’il prédisait la victoire du « Remain » au matin du referendum):
J’ai toujours pensé que les Britanniques rejetteraient le « Brexit ». La sortie de l’Union européenne serait un suicide pour le Royaume-Uni. Il existe, dans l’histoire, des cas où des nations se sont suicidées, mais je ne crois pas que ce soit la tentation des Britanniques.
On mesure là encore les dégâts que l’influence exercée par Attali peut provoquer sur les politiques français. Les partisans du « Leave » justifient en effet leur position par leur volonté de préserver leur Etat-nation face au système communautaire. Réponse d’Attali: vouloir survivre, c’est être suicidaire. La mécanique de renversement des évidences à l’oeuvre chez BHL est ici aussi en marche. Simplement, elle se fait plus discrète, moins directement insultante.
Au passage, on notera que dans cet entretien du 23 juin au matin où Attali prédisait la victoire du « Remain », il se livrait à une autre prédiction tout aussi fiable:
Depuis longtemps, je prédis que la troisième guerre mondiale, si rien ne change, est pour 2025-2030. Tout semble se mettre en place.
Irma Attali.
Prix spécial du jury à Slate
Puisque je parle d’Attali, je ne voulais pas manquer une occasion de parler de l’un des médias dont il est actionnaire (comme beaucoup d’autres adeptes ou acteurs du gouvernement profond): Slate. Ce pure player a mené une campagne hostile au Brexit dont l’argumentation essentielle a reposé sur la logique exposée ci-dessus: d’un côté la lumière, de l’autre l’obscurité.
Je prends au hasard quelques articles:
Bravo, Slate, pour cette brillante contribution à l’intelligence contre la toxicité des populistes idiots que nous sommes.
En tant que con fini pleinement assumé, je voulais ajouter un seul point sur ce constat. Manifestement, les partisans de la construction communautaire qui prétend être l’Europe s’obstinent à ne pas voir que le referendum britannique a d’abord consacré un rejet de l’arrogance, et une hostilité profonde à cette confiscation de la démocratie par une élite avaricieuse qui prétend la faire fonctionner seule, et qui attend qu’on lui dise « merci » avec le sourire.
Source : leblogalupus
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