Une nouvelle attendue depuis quelques temps est survenue dans la province de Reggio Emilia: le conseil municipal de Brescello a été dissous le 20 avril 2016par le gouvernement italien, sur proposition du ministre de l’intérieur A. Alfano, pour infiltration mafieuse.
Brescello (région d’Emilie-Romagne) a servi de cadre à la série de films « Don Camillo », avec Fernandel (Don Camillo, curé de Brescello) et Gino Cervi (Giuzeppe Bottazzi, alias Peppone, maire de Brescello).
Dans la vraie vie comme dans le film, Brescello, tout comme la province de Reggio Emilia, est nettement dominé depuis 1946 par le PC italien puis, après le changement de nom du PCI en parti démocrate de gauche (PDS) puis en parti démocrate (PD), nom qu’il a actuellement, par ces derniers partis.
Après le communisme, Brescello est donc aujourd’hui gravement victime de la mafia.
Cette dissolution avait été rendue probable depuis la démission de l’ancien maire de Brescello, Marcello Coffrini (maire de 2014 à 2016, sans étiquette, mais de gauche). Mais cette dissolution a été prononcée, non au titre de l’article 141 du décret 267 du 18/8/2000, qui prévoit entre autres causes cette dissolution quand le fonctionnement normal du conseil n’est plus assuré à cause de la démission du maire, mais au titre de l’article 143, qui prévoit cette dissolution en cas de « phénomènes d’infiltration et de conditionnement de type mafieux ».
Pour prononcer cette dissolution, il faut des faits « concrets, univoques et considérables » montrant des liens entre les administrateurs de la ville (ou d’autres entités publiques) et la criminalité organisée de type mafieux ou semblable, liens qui entraîne une altération du processus de décision des conseils élus et administratifs.
Le ministre de l’intérieur, qui appartient au NCD (nouveau centre droit), parti qui gouverne avec le PD (parti démocrate, gauche) a donc validé le travail de la commission d’enquête qui avait été mise en place et qui a étudié les actes pris par les autorités municipales de Brescello depuis 15 ans.
L’affaire remonte à septembre 2014. Les étudiants de « Cortocircuito » (court-circuit), une télévision par internet qu’ils animent, présentent une vidéo contenant des déclarations du maire M. Coffrini, notament la phrase suivante, à propos de Francesco Grande Aracri, déjà condamné pour association mafieuse « Grande Aracri: il est aimable, éduqué et ne semble pas être celui qu’on dit ». Francesco est le frère de Nicolino Grande Aracri, chef du clan Grande Aracri, originaire de Calabre.
Une photo montre également le maire discuter seul à seul avec Francesco, déjà condamné pour association mafieuse à ce moment-là
Après avoir longtemps nié la présence de « Ndrangheta » à Brescello, la branche de la mafia d’origine calabraise qui s’est donc implantée à Brescello (et ailleurs en Reggio Emilia), le maire a fini, sous la pression, par démissionner en février 2016.
La commission d’enquête a notamment mis en lumière le transfert de droits immobiliers résidentiels vers la rue Pirandello, où sera ensuite construit « Cutrello », le lieu où s’installe le clan Grande Aracri, au détriment d’autres habitants de la ville. Ensuite, il y a d’autres opérations immobilières qui posent problème, comme la construction du supermarché « Famila ».
A noter que le père de Marcello, Ermes Coffrini, maire de Brescello, était l’avocat de la famille Grande Aracri. Il a également été membre du comité communal du Parti démocrate de Brescello formé en 2007 en vue des élections primaires visant à choisir le chef du Parti démocrate pour l’Italie entière.
Ces révélations sont bien entendu ennuyeuses pour le parti démocrate à l’approche des élections municipales du 5 juin prochain, qui auront lieu dans plus de 1000 villes et villages italiens (sur 8000 sur l’ensemble de l’Italie).
D’autant qu’en ce moment a lieu à Reggio Emilia (capitale de la province du même nom) le procès « Aemilia » où 147 accusés de mafia comparaissent. Parmi eux, certains ont déjà été condamnés et d’autres acquittés.
Il n’y aura pas d’élections le 5 juin à Brescello, la commission d’enquête et d’administration extraordinaire devant fonctionner pendant encore un an et demi, voire trois ans et demi.
Si les dissolutions de conseils municipaux pour infiltration mafieuse sont fréquentes en Calabre, c’est la première fois que cela arrive en Emilie-Romagne.
G. Paume