Par Eric Verhaeghe Jusqu’ici tout va bien 21/04/2016
L’initiative du « Hijab Day » prise par des étudiants de Sciences Po a un mérite: elle jette les masques sur le fond idéologique d’une école dont les véritables valeurs sont parfois mal connues.
Le Hijab Day a échoué
On se félicitera de l’échec de cette opération qui visait à faire prendre conscience aux élèves de ce que signifie porter le voile. C’était une réponse aux propos de la ministre Laurence Rossignol et du Premier Ministre sur la question. Certains se sont sentis obligés d’expliquer que la France était le dernier pays où le port du voile à l’université posait problème. Malgré cette campagne d’intoxication sur le mode bien connu: « soyez modernes, acceptez le voile », la mayonnaise semble n’avoir pas pris. Très peu d’élèves, ce qui est bon signe, ont suivi le mouvement.
Le relativisme de Sciences Po
On s’étonnera néanmoins que l’école ait accepté d’ouvrir ses portes à cette initiative. Elle révèle en effet que des étudiantes françaises non-musulmanes sont prêtes, au nom de la tolérance et du respect des cultures, à remettre en cause des décennies de combat pour la libération de la femme. Il n’est pas si loin le temps où les femmes françaises n’avaient pas le droit de porter le pantalon ou la mini-jupe. Il a d’ailleurs fallu attendre mai 68 pour que le port du pantalon se banalise pour les femmes.
Il est assez fascinant de voir que les enfants de soixante-huitards sont aujourd’hui prêts à tolérer d’une religion ce que leurs parents avaient farouchement combattu dans une autre. Non seulement ils le tolèrent, mais ils pratiquent une sorte de prosélytisme volontaire, une apostasie en quelque sorte.
On y verra l’effet d’un relativisme destructeur: toutes les cultures se valent, toutes les traditions et tous les modes de vie aussi. Il n’y a donc pas d’obstacle à oublier sa propre histoire pour épouser ou faire sienne celle des autres. Après tout, tout est dans tout et inversement.
Sciences Po retient le pire de la mondialisation
C’est bien la culture Sciences-Po qui est en cause ici, avec sa profession de foi au premier degré en faveur de la mondialisation et de ses bienfaits. Dans un syncrétisme curieux, la compréhension de la mondialisation ne se fait pas à partir d’une mise en exergue et d’une adaptation de notre patrimoine et de nos valeurs, mais bien dans l’abandon de celles-ci au profit d’une sorte d’universalisme béat où le sens et l’histoire sont dissous dans un immense melting pot pour ainsi dire archaïque.
La « pensée » Sciences-Po incarne la tendance contemporaine à se représenter la Terre comme un grand Tout appelé « la planète » à laquelle il faut vouer un culte indifférencié, comme si porter le voile n’avait pas plus d’impact que de ne pas le porter. Après tout, tout cela, c’est la planète où nous devons tous vivre ensemble dans la tolérance.
On comprend mieux pourquoi les élites qui accèdent au pouvoir après un passage par cette école s’en prennent autant à des traditions françaises finalement plutôt tolérantes, et montrent autant de bienveillance vis-à-vis de cultures beaucoup moins démocratiques que la nôtre.
Sciences Po, école de la soumission
Les élèves de Sciences Po, qui finissent régulièrement aux postes de décisions, sont-ils réellement préparés à défendre l’intérêt général de la Nation? L’épisode du Hijab Day pose une question de confiance sur ce point.
Car Sciences-Po a plus que jamais endossé les habits de la soumission décrits par Michel Houellebecq dans son dernier roman. Tout le monde sait que la culture Sciences-Po a toujours limité l’exaltation du courage personnel à un culte très extérieur rendu à Jean Moulin. Mais tous ceux qui ont fréquenté de près des anciens élèves de cette école savent qu’elle déborde rarement de cette iconographie abstraite.
Comment ne pas s’interroger en voyant ces enfants majoritairement issus des quartiers privilégiés manifester de l’empathie, et ne plus être très loin de la promotion en faveur d’un objet qui illustre de façon frappante le recul de la condition féminine dans le monde contemporain?
Dans les années 80, lorsque la Guerre Froide prenait mauvaise tournure, des mouvements pacifistes (surtout en Allemagne) soutenaient: « Plutôt rouges que morts ». Dans leur esprit, la paix était la valeur suprême et justifiait tous les renoncements à nos libertés. Le « Hijab Day » n’est rien d’autre que la reprise française de ce slogan: mieux vaut vivre en paix dans une société où les femmes portent le voile, que de faire la guerre pour avoir le droit de ne pas se voiler.
Le germe de la soumission est là, toujours nourri par une illusion absurde. En effet, croire que le renoncement à nos libertés permet d’avoir la paix est une énorme erreur d’appréciation. Les exécutions en tous genres dans tous les pays où le voile est obligatoire le rappellent.
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Source : leblogalupus