Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 17 novembre 2016

Le directeur d'une école musulmane toulousaine convoqué devant la justice

Publié par Guy Jovelin le 17 novembre2016

Par Caroline Beyer

Mis à jour

 

L'imam Abdelfattah Rahhaoui, directeur de l'école primaire hors contrat Al-Badr.

Fondateur de l'école Al-Badr, l'imam Abdelfattah Rahhaoui est notamment poursuivi pour «poursuite d'une activité scolaire malgré une mise en demeure de l'Éducation nationale». Il dénonce un acharnement administratif.

Violences volontaires sur mineur, ouverture d'un collège clandestin, «poursuite d'une activité scolaire malgré une mise en demeure de l'Éducation nationale». Ce 17 novembre, Abdelfattah Rahhaoui, directeur de l'école primaire hors contrat Al-Badr devra s'expliquer de ces trois accusations devant le tribunal correctionnel de Toulouse. Personnalité controversée, l'imam et conférencier entretient avec l'Éducation nationale des rapports plus que tumultueux depuis l'ouverture de cette école privée musulmane en 2013, dans le quartier populaire Bellefontaine.

À l'issue de la dernière inspection de l'établissement, le 12 avril dernier, en présence des forces de l'ordre, l'académie de Toulouse, a conclu à un enseignement «très déficitaire dans tous les domaines, en dehors de l'enseignement de l'arabe qui s'effectue à des quotités quotidiennes importantes». Elle a aussi constaté que «l'étude quotidienne du coran oblitère le temps de façon importante». Le 20 juillet, avant les vacances estivales, elle invitait les parents à inscrire leurs enfants ailleurs, au motif que l'école «ne délivrait pas un enseignement conforme aux exigences».

«Le vrai coran»

L'école Al-Badr fait partie de ces établissements hors contrat visés par une vague d'inspections surprises lancées il y a un an par la ministre de l'Éducation, dans le cadre d'une lutte affichée contre la radicalisation. «À ce jour, une petite dizaine ont ou vont être saisis devant la justice pour fermeture», explique-t-on Rue de Grenelle. Pour l'école Al Badr, signalée au procureur au titre de l'article 40, la machine est déjà lancée. «Dans certains établissements, nous ne pouvons que constater la volonté manifeste de pas tenir compte des recommandations faites lors de précédentes inspections», poursuit-on au ministère, tandis qu'à l'académie de Toulouse, c'est le silence radio, pour cause d'instruction en cours.

De son côté, le fondateur de l'école, très actif sur les réseaux sociaux, dénonce «un acharnement administratif» contre lui-même, l'école et ses propres enfants. La ligne de défense est claire. Dans une vidéo postée le 5 septembre sur Facebook, vue plus de 80.000 fois, il défend une école musulmane qui, en enseignant «le vrai coran» est «un rempart» contre la radicalisation. Il demande à être jugé comme «simple citoyen», et non «pas sur ses prises de positions politiques».

«Délire communautaire»

Sur ce terrain, l'homme déroule, au rythme de ses vidéos sur Youtube et de ses prêches, un CV de choix. Condamnation de l'attentat contre Charlie Hebdo sans pour autant valider «les ignobles caricatures fanatiques», attaque contre la «théorie du genre» et les lobbys LGBT, proximité alors avec Alain Soral, affirmation du Hijab obligatoire pour les femmes, contexte toulousain marqué par l'affaire Merah...

«Je rappelle que mon client n'est pas fiché S», martèle l'un de ses avocats, Me Hakim Chergui. À ma connaissance, il ne fait l'objet d'aucune condamnation. Pour l'avocat au barreau de Paris, par ailleurs vice-président de l'association Al-Kindi -l'un des plus anciens groupes scolaires privés musulmans- «le dossier est extrêmement léger sur le plan juridique, mais il draine une symbolique forte qui a abouti à placer mon client au centre de toutes les attentions administratives. Ce qui pose la question de l'égalité des droits. Les administrations ont pratiqué un dépassement de leurs fonctions. Un procureur a demandé à l'Éducation nationale de mener une inspection. Cette inspection a amené des policiers dans une école».

Décrit comme proche des salafistes, «ne vivant qu'à travers une lecture rigoriste du coran», «perché», «dans un délire communautaire», Abdelfattah Rahhaoui se refuse à serrer la main d'une femme. «Religieux», «musulman», «barbu», mais «pas pour autant radicalisé», clame haut et fort le principal intéressé.

Mise en demeure

Français né au Maroc, âgé de 43 ans, Abdelfattah Rahhaoui s'est intéressé à l'éducation en 2009, lorsqu'il a fondé le collège musulman privé Alif, dans le quartier sensible du Mirail, en réaction directe et revendiquée à la loi de 2004 interdisant les signes religieux à l'école. C'est en 2013 qu'il a créé l'école Al-Badr, qui accueille une centaine d'enfants, de la petite section de maternelle au CM2.

Outre des faits de violence «sur un mineur de moins de 15 ans», il devra ce 17 novembre répondre de l'ouverture illégale d'un collège privé. Dans les locaux de l'école primaire Al Badr, sont en effet proposées des activités de soutien scolaire. Où commence le scolaire, où s'arrête le périscolaire? Vaste question, récurrente ces derniers mois. Il devra enfin se justifier de la non-fermeture de l'école Al-Badr, en dépit de la mise en demeure de l'Éducation nationale. Un point sur lequel son avocat a déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). «La justice ne s'est pas encore prononcée sur la fermeture de l'établissement», explique-il. Le délibéré de l'audience pourrait y aboutir.

 

source : lefigaro