Qu’a donc commis cet homme pour avoir méchamment irrité ces commentateurs sportifs ? Avoir voulu perturber le départ de la course ? S’y être présenté sans dossard ? Rien du tout : Alexis Valtat – marathonien émérite, donc parfaitement légitime sur la ligne de départ – a couru les six cents premiers mètres… en tête du peloton. Presque un crime.

« Ça va un moment… Pour moi, ça pollue », s’indigne Bernard Faure, « il faut rester à sa place. Aujourd’hui, devant, la place est pour les Kényians […] ».

On reste sans voix. Alexis, lui, ne s’est pas gêné pour leur écrire leurs quatre vérités. Et de qualifier leurs propos de « condescendants », d’ « irrespectueux », de « conservateurs » et de « racistes ». De leur expliquer, à ces soit-disants journalistes sportifs, qu’il n’était pas en forme, ce jour-là. Qu’il pressentait ne pas les boucler, ces 42 km et 195 mètres. Qu’il s’est dit, en substance, « fichu pour fichu, quitte à griller toutes mes cartouches, je m’amuse à dépasser les géants kényans ». De fait, la scène est très amusante. Mais celui qui voulait vivre un « rêve » aurait commis « une image à ne pas faire ». Rien de moins ! Alors, quoi, « c’est ma couleur de peau qui n’allait pas ? », leur demande Alexis. « Il y a un coureur amateur, français, en tête du marathon de Paris, et il ne faut surtout pas montrer cela ! Ho hé ho hé ! Je ne suis pas un djihadiste en train de découper une tête, je courais juste un marathon en ayant respecté toutes les règles […] »

Ce qu’il y a de fantastique, dans le sport, c’est justement qu’il abolit en principe toutes les barrières : sociales, culturelles, nationales, raciales. On imagine bien que ces deux commentateurs, sans doute relayeurs hors pair du vivre-ensemble et lanceurs de poids du padamalgam à leurs heures, en sont profondément convaincus. Les rendez-vous sportifs sont par définition des rassemblements festifs. Est-ce bien nécessaire alors de ridiculiser un sportif dont les armes pour se défendre seront de toute façon bien faibles face à ces poids lourds hors catégorie du commentaire sportif ? Et avec quels propos ! En effet, en réponse à Alexis Valtat, Patrick Montel, cruellement dénué d’empathie, a déclaré : « Si cet athlète, qui vaut moins de 2h40 sur marathon, et qui fait fi de ses chances cette année » avait bouclé ses 42 km, « son courroux aurait été moins consistant ». Et d’aggraver son cas : « Que ce plaisantin du dimanche télévisuel sache qu’à s’exposer trop crûment sous les projecteurs, l’on s’expose à quelques petits désagréments ».

Maintenant, imaginons un instant. Départ du Tour de France 2016. Un amoureux fou de la petite reine -tiens par exemple, de nationalité keyniane- réussit à se faufiler au devant de la ligne de départ, pour la photo, le buzz, l’amour du sport ou encore pour la promotion du vivre ensemble à bicyclette. Imaginons que le commentateur se permette de dire au micro : « Ça va un moment… Pour moi, ça pollue, il faut rester à sa place. Aujourd’hui, devant, la place est pour les Britanniques. »Imaginons…

 
Alexis Valtat
dimanche

En réponse aux commentateurs (Messieurs Montel & Faure).
Dimanche dernier, j’ai eu le plaisir de parcourir 600 mètres en tête du marathon de Paris 2016. Moi l’amateur, le « fantaisiste » qui a couru près de 14 000 km ces 5 dernières années, enchainé jusqu’à 7 séances par semaine, sur piste, asphalte, lors de cross, trail, courses sur route, je me suis dit « et si t’allais taper la balle avec Federer, taper la lulu à Buffon, faire un round avec Mohammed Ali ». Bon ok le round ...

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