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lundi, 03 avril 2017

La France inégale : partage social de l’espace français

Nous ouvrons avec ces toutes premières visualisations notre nouvelle rubrique Data. Avec nous cette semaine, Hervé Le Bras, démographe, directeur d’études à l’EHESS et chercheur émérite à Institut National d’Études Démographiques (INED). Aujourd’hui, la répartition des catégories sociales à travers le territoire.

Classes moyennes et supérieures dans les « villes de commandement »

Toutes les données sont en % de la population active (25 à 55 ans), en 2013, date du dernier recensement publié.

Les classes moyennes et supérieures ont investi les métropoles et les grandes villes au point de constituer plus de la moitié de la population active dans certains cas et plus encore dans certains quartiers. Les cadres dominent au cœur des grandes agglomérations, les métropoles ou leurs suivantes immédiates qui possèdent des institutions universitaires et administratives de premier plan. Pour cette raison, on les qualifiait de « villes de commandement » dans les années 1960. Toutes les capitales des 21 anciennes régions figurent dans le groupe de tête auquel seules s’ajoutent Grenoble, Nice, Angers, Tours et des villes de l’Est. Alors que la proportion de cadres y dépasse souvent 20 %, elle chute à moins de 2 % dans de nombreuses zones rurales.

La classe moyenne habite en banlieue

Professions intermédiaires, en % de la population active, 2013.

Les classes moyennes, ces « professions intermédiaires » au sens de l’Insee, sont aussi urbaines que les cadres, mais elles sont moins sélectives. Dans les métropoles, elles s’installent en première couronne, car évincées du centre par les classes supérieures. Dans les villes moyennes, elles occupent aussi les quartiers centraux. Si la carte des professions supérieures se réduit aux capitales des régions, celle des classes moyennes coïncide avec les chefs-lieux des départements, à peu d’exceptions près qui correspondent aux hésitations de la carte administrative : Châlons-en-Champagne et Reims, Pau et Bayonne, Moulins et Montluçon, Brest et Quimper par exemple. La concentration est cependant moindre puisque la proportion des professions intermédiaires dans la population active varie seulement du simple au triple quand on remonte du rural profond vers les grandes villes.

Les ouvriers rejetés hors des grandes villes

Proportion d’ouvriers dans la population active, 2013.

Logiquement, puisque les classes moyennes et supérieures sont en ville, les classes populaires vivent à la campagne. C’est particulièrement net pour les ouvriers. Leur proportion augmente avec la distance à la grande agglomération la plus proche. Ils se concentrent ainsi sur les frontières des départements où ils forment parfois plus de 40 % des actifs. Au XIXesiècle, les ouvriers habitaient dans les villes. Au XXe siècle, ils ont été repoussés vers les faubourgs, puis les cités. Aujourd’hui, les voilà rejetés aux marges du territoire. Une autre régularité fascinante à première vue est la quasi-absence des ouvriers au sud d’une ligne Bordeaux-Grenoble. N’y aurait-il aucun ouvrier travaillant à la construction des Airbus ? En fait, ils ont été remplacés par des techniciens ayant une éducation plus poussée et un salaire en conséquence, ce qui les range dans la classe moyenne.

Commerçants : cap au sud

Proportion d’artisans et de commerçants dans la population active, 2013.

Les ouvriers résident au nord, les artisans et les commerçants, au sud. La coupure est particulièrement nette sur la carte. Au sud d’une ligne Genève- La Rochelle, on compte plus de 10 % d’artisans et commerçants tandis qu’au nord, ils tombent à des pourcentages aussi faibles que 3 %. Un long passé explique cette bizarrerie apparente. Au sud de la Loire, les règles d’héritage attribuaient à un seul enfant l’exploitation ou l’atelier des parents. Le Code civil n’a pas mis fin à cette pratique. Pour la conserver, les couples ont souvent réduit leur fécondité jusqu’à l’enfant unique.

Dès lors, l’industrie naissante n’a pu trouver les ouvriers nécessaires. L’artisanat et la petite propriété se sont maintenus. Dans une moindre mesure que les ouvriers, les artisans et les commerçants ont aussi été relégués loin des grandes agglomérations. Une ségrégation territoriale s’est ainsi mise en place : les travailleurs manuels -ouvriers, artisans, agriculteurs – à la campagne, les travailleurs intellectuels -professions intermédiaires, cadres et professions libérales – à la ville.

 

Source : theconversation

vendredi, 24 mars 2017

Molière au secours des Français

Publié par Guy Jovelin le 24 mars 2017

Francophonie-_e parle français

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Qu'est-ce que la Clause Molière? D'après le site web qui la présente, il s'agit d'une mesure simplissime - demander la maîtrise du français sur les chantiers publics.

La "Clause Molière" impose aux ouvriers la connaissance du français sur l'ensemble des chantiers publics.
C'est un moyen simple et efficace de protection des ouvriers et de lutte contre le dumping social.
Inventée à Angoulême, cette clause a été mise en place dans 6 régions et de nombreux départements et villes en France.

L'objectif de protectionnisme est assumé. Il n'est pas question de pseudo-arguments comme la "bonne compréhension des instructions des machines" ou le "besoin de saisir les directives du chef de chantier". Aucune volonté de confusion, à l'inverse par exemple de celle soigneusement entretenue par nos légalistes à travers l'évocation de "signes religieux distinctifs" pour éviter de parler de burqa ou d'islam.

L'exigence du français n'est ni une question de sécurité, ni de qualité. C'est une riposte à la fameuse Directive Bolkestein visant à entériner la concurrence au niveau des services (en réalité, une sous-enchère salariale de la main d’œuvre) à l'échelle de l'Union Européenne. La Clause Molière vise en priorité les marchés publics, dont on attend qu'ils "contribuent à soutenir les PME [du territoire français]".

Forcément, l'Europe grogne contre cette attaque frontale contre la "concurrence de tous contre tous", valeur fondatrice de l'Union. Marianne Thyssen, Commissaire européenne à l'emploi, s'étrangle d'indignation: d'après elle la Clause Molière est une discrimination - ce qui veut tout dire. Mais Mme Thyssen parle dans le vide et elle le sait parfaitement: il n'est pas interdit de faire venir des travailleurs détachés - il suffit qu'ils parlent français, ou se fassent accompagner d'un interprète. Ces deux contraintes visent évidemment à briser l'avantage financier qui motive leur venue en premier lieu, mais ne sont pas, en soi, des discriminations.

La clause divise la classe politique:

Ce stratagème inventé par un élu d'Angoulême pour contourner la directive Bolkestein fait débat, notamment à droite où certains pressent François Fillon de l'adopter. Au centre et à gauche on dénonce le « racisme » et la « tentation du repli nationaliste ».

Ce sont là des discussions de campagne car l'idée progresse sur le terrain - et à travers le spectre politique. La Clause Molière est désormais soutenue par cinq régions de droite (Pays de la Loire, Hauts-de-France, Normandie, Auvergne-Rhône-Alpes et Île-de-France), une région de gauche (Centre Val-de-Loire), cinq départements et de nombreuses villes. Il est loin, le vieux clivage droite-gauche. Mieux encore, elle serait soutenue par une proportion massive de 80% des Français. 39% y seraient très favorables, 41% plutôt favorables.

En Suisse, rien à craindre ; aucun risque de voir apparaître l'équivalent d'une Clause Molière ou quoi que ce soit d'approchant. On se bat au contraire pour pousser la libre-circulation dans les derniers retranchements où pourraient encore se cacher quelques Helvètes, cette ethnie en voie d'extinction. La préférence à l'embauche donnée à des personnes de nationalité suisses est "strictement interdite", nous rappelle-t-on. Que les mondialistes se réjouissent, on continuera encore d'entendre de nombreux dialectes sur les chantiers publics du pays, en évitant surtout les langues nationales.

Alors que les médias invitent le grand public à fêter les 60 ans du Traité de Rome, pareil revirement devrait faire réfléchir. La résistance s'organise contre l'alignement par le bas des salaires que permet la Directive Bolkestein, même dans un pays fondateur de l'Union Européenne.

Stéphane Montabert - Sur le Web et sur LesObservateurs.ch, le 20 mars 2017

 

Source : lesobservateurs