Pendant des années, le dimanche après-midi, nous regardions Jacques Martin animer « L’École des fans ». Les charmants bambins chantaient bien mal, pourtant tous avaient la note maximale. Tous gagnaient. Ce n’était qu’un jeu et personne, pas même les parents, ne croyaient sérieusement que ces enfants étaient de futurs grands chanteurs.
Personne ? À voir. À peine arrivé rue de Grenelle, Benoît Hamon est touché par le syndrome de l’école des fans. Les notes sont dévalorisantes, elles découragent les élèves, paraît-il. Il faut valoriser les réussites, ne pas sanctionner les échecs, nous dit-on. Vieilles scies des pédagogistes du ministère de l’Éducation nationale, qui justifie chaque jour de ne plus être celui de l’Instruction publique.
Pourtant, quoi de plus simple et de plus compréhensible qu’une note ? J’ai une leçon à apprendre. Si j’ai compris et travaillé, je devrais avoir 20. Ce n’est pas le cas ? C’est que je n’ai pas compris, ou que j’ai manqué d’attention, ou que je n’ai pas travaillé. Toutes choses dont la note me permet de prendre conscience, si ce n’est moi, mes parents. J’ai mieux compris, j’ai fait plus attention, j’ai plus travaillé ? Cela se verra dans la note suivante qui sera en progrès.
J’en serai gratifié, mes parents, même s’ils n’ont pas fait d’études, le verront et pourront m’en féliciter. Dans le cas contraire, on saura qu’il faut réagir, par du soutien voire des punitions. C’est simple, clair et compréhensible par tous. Toutes les alternatives testées depuis des années (acquis/en cours d’acquisition/non acquis, feu vert/orange/rouge, smileys, etc.) sont moins objectives, moins compréhensibles, moins motivantes même. Gagner un point ou deux fait plaisir à l’élève, le motive à faire mieux, lui permet de se comparer aux autres. Mais s’il garde le même smiley, le même feu, à quoi bon se dépasser ?
Bien entendu, une note peut être décourageante pour l’élève qui a travaillé et qui n’a pas réussi. Tout enseignant le sait et veille, par l’appréciation qui l’accompagne, à souligner les efforts et les progrès. La note seule ne suffit pas et son objectivité est relative. Mais elle est plus grande que celle des autres systèmes et permet des comparaisons entre générations et entre pays. C’est sans doute là que le bât blesse. Toutes les études, nationales comme internationales, montrent le déclassement constant du système éducatif français. Montrent, en fait, l’échec des théories pédagogistes qui sévissent depuis trop longtemps en France. Plutôt que de changer de cap, on préfère modifier l’évaluation ; ainsi, aucune comparaison ne sera plus possible, ni aucune remise en cause des situations de pouvoir acquises. On ne s’étonnera pas du succès grandissant des écoles hors contrat.
Peut-être nos enfants seront-ils moins traumatisés au sortir de l’école que nous l’avons été. Sans doute le seront-ils plus quand, après une scolarité où leur moyenne aura toujours été supérieure à 15, avec un master en poche, ils se verront préférer un Chinois, un Coréen ou même un Allemand pour le poste qu’ils visaient. Pays pour lesquels l’école prépare à la vie, qui n’est pas l’école des fans.
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