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samedi, 22 octobre 2016

«Ne dis pas à l'école que ton papa est policier...»

Publié par Guy Jovelin le 22 octobre 2016

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«Avant, mon uniforme c'était un rempart, aujourd'hui il est devenu une cible». Ou encore : «Tous les matins quand il part au boulot, un flic s'expose à trois risques majeurs : se faire tuer, tuer quelqu'un ou perdre son travail.» Ce constat déjà alarmant dressé par plusieurs fonctionnaires de police n'illustre qu'une partie de la difficulté d'être flic aujourd'hui en France. Dans un contexte où la menace terroriste est quotidienne et alors que les policiers sont devenus des proies désignées par une délinquance prête à tout pour en découdre, les «bleus» en veulent surtout à une «hiérarchie qui ne nous soutient plus du tout». Pierre (prénom d'emprunt) la cinquantaine, plus de 20 ans de métier au commissariat de Toulouse : «La peur ? C'est plutôt la crainte d'être pris en défaut par nos supérieurs et de devoir se justifier pour avoir tiré ou sortie notre arme pour nous défendre. Il y a la peur du faux pas, car en interne, on ne nous laisse rien passer !» Les rassemblements spontanés à la suite des terribles événements de l'Essonne le 8 octobre où des policiers ont été attaqués et brûlés au cocktail-Molotov ne font qu'amplifier le véritable malaise entre les flics de terrain, la base, et une hiérarchie considérée comme «sourde» à la prise en compte de leurs difficultés. À Toulouse, comme ailleurs, ces rassemblements se font en catimini alors que des menaces de sanctions pèsent sur les fonctionnaires bravant l'interdiction. «Après 20 ans de métier, je fais toujours mon boulot avec passion. Je ne lâcherai jamais le terrain car c'est la base. Mais avec un salaire de 2600€ avec 2 enfants à charge qui font des études coûteuses, c'est quasiment impossible de joindre les deux bouts. J'ai fini par vendre ma voiture pour en acheter une plus petite, explique Pierre. Quand on enchaîne les heures, de nuit ou de jour et qu'au bout, l'épuisement physique et psychologique vous gagne, vous aimeriez un peu de reconnaissance et de revalorisation. Or, en 8 ans, certains effectifs ont fondu. On nous demande de ne pas abîmer les voitures, on est presque montré du doigt quand on revient blessé d'une intervention et pendant ce temps, nos patrons devenus carriéristes ramassent les primes…»


Arthur (prénom d'emprunt), jeune flic toulousain de 30 ans «stagne» à 2000€ mensuels depuis 6 ans en étant OPJ (officier de police judiciaire) avec des responsabilités judiciaires importantes. «À Toulouse, le métier est compliqué, dit-il. Difficulté financière d'abord et il vaut mieux éviter de vivre là où l'on bosse… Il y a toujours le risque d'être reconnu par une délinquance ou des groupes radicaux, ultra-gauche ou islam radical, susceptible de vous prendre à partie.» Plus de vie sur les réseaux sociaux et discrétion renforcée. «On porte le gilet pare-balles sur des interventions banales par crainte de subir des attaques». Il n'est pas rare que des fonctionnaires, en route vers leur domicile, se fassent suivre en voiture par de dangereux délinquants ou que les numéros de plaque d'immatriculation de certains policiers tapissent des murs de cités. Des fonctionnaires interdisent à leurs enfants de dire à l'école que papa est flic, «on ne sait jamais les représailles sur le gamin…» «Depuis que l'on a l'autorisation de garder l'arme chez soi, on attend toujours un étui promis par notre administration, poursuit Arthur. Des collègues, moins patients, l'ont acheté avec leur propre denier. Les réformes successives n'ont pas touché tous les corps de la police. Et, nous, la base, on a vraiment le sentiment d'être les laissés-pour-compte au sein d'une administration qui ne nous soutient plus».

Recueilli par Frédéric Abéla

 

Source : ladepeche

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