Au printemps 2013, une librairie coranique a ouvert ses portes (elle est aujourd’hui fermée) en plein centre-ville d’Hénin-Beaumont, juste en face de l’Eglise et à deux pas de la permanence du Front national. Le symbole est fort. Malgré tout, alors qu’on était habitué à voir la formation d’extrême-droite stigmatiser sans relâche le communautarisme, Steeve Briois ni aucun autre responsable frontiste ne se sont positionnés face à l’ouverture de ce commerce. Si le Front national n’a délibérément pas réagi, c’est parce qu’il sait que cet événement confortera les électeurs habituels dans leur choix et amènera naturellement de nouveaux électeurs choqués par cet événement. Pas besoin de convaincre les fanatiques de l’identité nationale qui sont déjà dans les rangs et qui ne déserteront pas de sitôt. L’heure de la campagne électorale étant placée sous le signe de la modération et du refus de tous les excès, il apparaissait ainsi comme inutile pour Steeve Briois de polémiquer autour de cette librairie, ce qui aurait constitué une occasion en or pour la gauche de crier au loup fasciste.
Comme plusieurs maires en France, Steeve Briois a été confronté aux débordements de certains supporters algériens suite aux victoires des Fennecs en Coupe du Monde de football à l’été 2014. Même si aucun heurt n’a été déploré à Hénin-Beaumont, la communauté d’origine maghrébine a célébré dans une ambiance euphorique ces victoires et en a même profité pour allumer des fumigènes et déployer des drapeaux algériens en pleine rue. Pourtant Secrétaire Général d’un parti qui propose d’inscrire dans la Constitution que « La République ne reconnaît aucune communauté » et qui est farouchement opposé au principe de double-nationalité, Steeve Briois ne s’est publiquement pas exprimé au sujet de ces scènes de liesses malgré leur caractère communautariste. Alors qu’on aurait pu légitimement attendre une réaction de Steeve Briois compte tenu de l’ADN politique de l’extrême-droite française et du discours qui est celui de Marine Le Pen, le maire d’Hénin-Beaumont a préféré s’abstenir. Cette absence de cohérence entre le discours national et local du FN reflète la volonté de Steeve Briois de ne pas offrir des munitions aux armes de son opposition municipale dans le même temps qu’il s’agit de ne pas brusquer un électorat potentiel auquel il se montre soucieux de s’ouvrir.
La réaction de Steeve Briois aux attentats qui ont frappé Paris constitue le point d’orgue de sa nouvelle ligne politique résolument islamophile. Dès le vendredi 9 janvier, jour de la grande prière pour les musulmans, Steeve Briois s’est rendu à la Mosquée d’Hénin-Beaumont où il y a rencontré les responsables de la communauté musulmane avant d’appeler à ne pas amalgamer islam et islamisme. Alors qu’auparavant Steeve Briois se contentait simplement de s’abstenir à propos d’évènements dont on aurait pu légitimement attendre une réaction de sa part, le maire d’Hénin-Beaumont a cette fois décidé de clairement marquer son soutien à une certaine communauté religieuse. Surtout, dans sa volonté de construire une gestion municipale frontiste complètement désidéologisée, Steeve Briois a invité les responsables locaux du culte musulman à la manifestation « Je suis Charlie » organisée par la municipalité. Cette main tendue à la communauté musulmane s’est prolongée lorsqu’à l’occasion du rassemblement en hommage aux victimes des attentats, Steeve Briois a fait intervenir les responsables de la Mosquée d’Hénin-Beaumont sur le perron de l’Hôtel de Ville. En affichant ainsi ostensiblement les excellentes relations qu’il entretient avec la communauté musulmane, Steeve Briois s’exerce incontestablement à faire du Front national un parti islamo-compatible.
Paradoxalement, dans le même temps où Steeve Briois semble apprécier la présence des responsables du culte musulman à ses côtés, il n’hésite pas à signifier les relations dégradées qu’il entretient avec l’Eglise catholique locale. Le prêtre de la paroisse d’Hénin-Beaumont ne s’est d’ailleurs pas rendu au rassemblement « Je suis Charlie » organisée par la municipalité et auquel participait la communauté musulmane, préférant alors la contre-manifestation qui se déroulait au même moment à l’initiative des forces politiques et associatives d’opposition. Cette politique à deux vitesses de Steeve Briois qui se rapproche du culte musulman dans le même temps qu’il s’éloigne du culte catholique témoigne à n’en pas douter du caractère électoraliste de cette stratégie. Le Front national d’Hénin-Beaumont n’éprouve nullement le besoin de séduire l’électorat catholique, il s’agit plutôt pour lui de faire entrer dans ses rangs des électeurs musulmans afin de bâtir un véritable parti du gouvernement capable de s’appuyer sur la population dans sa diversité et la multitude de ses composantes.
Loin de témoigner d’un frontisme aussi décomplexé que les autres habitants d’Hénin-Beaumont, la population d’origine maghrébine se montre de plus en plus sensible à l’attitude d’ouverture à leur égard qui est celle de Steeve Briois. Par la présence régulière du Front national aux côtés des habitants et la sympathie que parvient à dégager Steeve Briois, le Front national a réussi à faire sauter les verrous dans l’intégralité de la société. Il semble dès lors naturel que ce phénomène concerne aussi la population arabo-musulmane. Mais ce qui fait la particularité d’Hénin-Beaumont par rapport aux autres municipalités frontistes, c’est la multiplication des marques de sympathie du FN envers cette communauté. On connaissait déjà Steeve Briois ouvert à l’arrivée de Sébastien Chenu au Front national, le voici désormais sur la question de l’Islam. En rupture complète avec la ligne politique qu’incarnent Gilbert Collard ou Marion Maréchal-Le Pen, le Front national de Steeve Briois aurait-il perdu le Nord ?