Pourquoi quittez-vous le Front national?
C'est une décision aussi forte que mûrie. Au moment où le parti est en pleine ascension, où de nombreux opportunistes y cherchent des places, les Français sont en droit de se demander pourquoi j'en sors. Je le quitte à cause de deux trahisons essentielles dont Marine Le Pen s'est rendue coupable. La première est d'avoir dessaisi de toutes ses responsabilités, en janvier dernier, l'un de ses principaux collaborateurs. J'ai été son conseiller international, son chef de délégation et le président de la fondation du parti politique européen au Parlement européen. J'ai été dessaisi sous un faux prétexte: une vidéo dans laquelle je traitais du défi islamique, et dont le contenu a été repris, comble de l'ironie, par l'aile droite de Républicains, par Nadine Morano et Christian Estrosi. Mais il y a une deuxième trahison, beaucoup plus grave, qui ne me concerne pas.
Laquelle?
Quels que soient les torts et les excès du fondateur du Front national, peut-on pousser comme cela, dans l'escalier, un homme de 87 ans auquel on doit tout? Et qui disait déjà exactement la même chose quand Marine Le Pen en avait encore besoin! Comment ne pas penser que ceux qui trahissent à la fois leurs proches et ceux auxquels ils doivent tout, ne trahiront pas un jour le peuple lui-même? Sous la pression de Florian Philippot, Marine a décidé de se débarrasser de Jean-Marie Le Pen. C'est une faute morale grave car on ne peut pas prétendre incarner le parti des valeurs et des fondamentaux quand on brise soi-même un certain nombre de lois. Ce n'est pas une loi politique, c'est presque une loi de civilisation. Il y avait d'autres solutions pour Jean-Marie Le Pen.
Considérez-vous, comme Jean-Marie Le Pen, que Marine Le Pen est sous influence?
Elle s'est laissé piéger dans un chantage avec Philippot. Il lui a expliqué, dès le début, qu'il était la dédiabolisation en personne. Et celle logique dans laquelle elle s'est laissé enfermer est devenue un chantage quasi-quotidien. Elle a finalement accepté de perdre sa liberté et de fonctionner dans ce pouvoir bicéphale. Evidemment, cela nous amène à des divergences idéologiques.
Quand Marine Le Pen explique que le FN ne renonce pas au libéralisme mais que le contexte économique et social du pays aujourd'hui, ne permet pas certaines options qu'elle juge dangereuses, rejetez-vous l'argument?
Je le crois faux parce qu'en réalité, elle récolte les voix des gens désespérés. Son projet n'est pas fondé sur les forces vives de l'économie. Pour redresser le pays, il va falloir s'interroger sur le fait que près de 60% de notre économie c'est de la dépense publique, que l'Etat providence est en crise et qu'il est temps de créer de la croissance et de l'emploi en adaptant notre pays à tous les défis auxquels nous sommes confrontés, du droit du travail aux retraites en passant par la révolution digitale où la France et l'Europe ne comptent que pour 10% de l'industrie mondiale des technologies de l'information.
La prise de distance de Marine Le Pen avec l'affaire «Air Cocaïne» dans laquelle vous avez activement participé à l'exfiltration de deux pilotes français, a-t-elle pesé dans votre décision?
Bien sûr, cette affaire est un élément déclencheur. Pour Florian Philippot et Marine Le Pen, le risque d'image est plus important que l'engagement pour des valeurs comme la solidarité vis-à-vis de compatriotes confrontés à un vrai déni de justice. Il est plus important que l'engagement par les actes qui va au-delà des mots. Dieu sait pourtant si dans notre société, on reproche souvent aux politiques de n'être que dans les mots. Moi, je suis allé plus loin et j'en suis fier.
Appelez-vous Philippe de Villiers à reprendre le leadership d'un mouvement?
Il n'est un secret pour personne que je souhaite profondément le retour sur la scène politique de Philippe de Villiers, qui est un ami et un père politique. Je souhaite vivement qu'il revienne d'ici la présidentielle de 2017. J'ai lu son livre. Ce qu'il dit apporte beaucoup, il y a une verticalité dans son projet, une vraie vision. D'autres personnalités comme celles de Nicolas Dupont-Aignan, Henri Guaino, Robert Ménard ou Nadine Morano doivent participer à la recomposition à droite. L'avenir se reconstruira avec des gens qui ne lâchent rien, qui ont des convictions fortes, qui agissent.
Cette «grande droite» aura-t-elle le temps de se construire d'ici 2017?
Oui, parce que les contradictions et la stérilité du programme de Florian Philippot seront de plus en plus évidents même si le désespoir des Français est grand. La montée du FN correspond à une France qui n'en peut plus des bilans catastrophiques du PS et des Républicains, de la crise migratoire et de l'effondrement industriel de la France. Au FN, il y a une sorte de déni de la mondialisation. Il ne sert à rien de nier un fait. Il faut adapter la France en défendant ses valeurs face à deux défis: les partisans de l'Argent-roi qui réduisent la personne à un individu-consommateur, détruisent les familles et les identités, et les partisans, de plus en plus nombreux, de la loi islamique, à la place de la loi de la République. Ces derniers ont avec eux la loi de la démographie et l'angélisme de nombreux européens.
Source : http://www.lefigaro.fr/politique/2015/11/09/01002-2015110...