Les professeurs des écoles contactés sont sûrs d’eux: il s’agirait d’une première. Le manuel Magellan et Galilée Questionner le monde, destiné aux élèves de CE2 et publié en mars 2017 par Hatier, promeut «l’écriture inclusive», défendue par certaines féministes. Ceci consiste à inclure le féminin, entrecoupé de points, dans tous les noms, comme dans «mes ami.e.s». Dans la partie de ce manuel consacrée à l’histoire, on peut donc lire:
«Les agriculteur.rice.s au fil du temps», «Les artisan.e.s au fil du temps» ou encore «Les savant.e.s» et «Les puissant.e.s». On y apprend que «grâce aux agriculteur.rice.s, aux artisan.e.s et aux commerçant.e.s, la Gaule était un pays riche».
Il s’agit de cesser «d’invisibiliser les femmes», défendent les promoteurs de cette écriture. À leurs yeux, «le masculin l’emporte sur le féminin», et cette règle de grammaire instituée au XVIIe siècle, abusive selon eux, n’aurait plus lieu d’être.
C’est Alexandre Fiebig, professeur de physique-chimie qui a débusqué le lièvre via un spécimen numérique et qui l’a posté sur un groupe Facebook d’enseignants. Ironiques, ces derniers s’interrogent. De tels artifices ne risquent-ils pas d’introduire des confusions de déchiffrage et de compréhension? Surtout auprès d’enfants si jeunes? Sans compter que cette écriture militante n’a pas grand sens à l’oral. Et qu’elle n’est pas demandée par les programmes scolaires.
En page de garde, l’éditeur assume, expliquant avoir choisi d’appliquer les recommandations du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes datant de 2015. Il a veillé à «équilibrer autant que possible le nombre de femmes et d’hommes présentés», à accorder les noms de métiers, de titres, de grades et de fonctions, «en utilisant l’orthographe préconisée, comme artisan.e», ou encore à utiliser l’ordre alphabétique lors d’une énumération de termes identiques au féminin et au masculin afin de ne pas systématiquement mettre le masculin en premier: par exemple, les femmes et les hommes.
«Tout ceci contribue à une éducation à l’égalité entre tous», estime-t-il. Chez Hatier, une salariée confirme l’édition de ce livre, expliquant que «dans ce milieu très féminin de l’édition scolaire, nous avons pris l’habitude de communiquer entre nous, depuis cette année, via l’écriture inclusive, notamment dans nos mails. La maison y est attachée.» On s’y prête notamment un «manuel d’écriture inclusive», édité par une agence de communication en 2016, lequel promeut l’usage du «point médian», semblable au trait d’union, «mais plus discret»: «musicien·ne·s», «motivé·e·s». Tout un programme.
Le Figaro