Le bloc-notes de Jean-Claude Rolinat
Pouvait-il imaginer un autre accueil alors que cette corporation des agriculteurs, hormis les céréaliers, est en pleine crise. Le samedi 27 février au matin, au salon de l’agriculture Porte de Versailles à Paris, et non à Versailles avenue de Paris, ce qui eut été un fâcheux télescopage avec un épisode de l’histoire mouvementée du XVIIIe siècle français, le sol s’est soudainement dérobé sous les pieds du monarque : cris, sifflets, huées, insultes ont accueilli François Hollande venu voir et complimenter les nouveaux « damnés » de la terre.
Le Salon 2016 ne pouvait être que sous tension. Oubliés les colliers de fleurs de Wallis et Futuna ou de Tahiti. Ici, à Paris, c’était plutôt ronces et chardons ! Probable que ses conseillers et le Président lui-même avaient prévu une visite difficile, mais certainement pas à ce niveau. C’est que les agriculteurs français, tout en exprimant avec force une légitime colère catégorielle, étaient aussi les interprètes de celle, encore retenue – mais pour combien de temps ? – des autres Français qui en ont assez d’un gouvernement incapable d’œuvrer dans l’intérêt suprême du pays.
Quelle paysannerie pour quelle agriculture ?
Les éleveurs de porcs comme les producteurs laitiers sont à la pointe des manifestations. La concurrence est rude, mais les premiers ne se sont-ils jamais interrogés sur l’influence grandissante que l’Islam avait sur la société française et, partant, sur les menus des cantines de tous les établissements publics ? Demandez donc du porc sur un vol Air France, vous ne serez pas déçu de la réponse… Absent de tous les menus ! Pour les seconds, la concurrence « libre et non faussée » qu’exige l’oligarchie bruxelloise est un véritable coup de poignard. On se souvient que l’été dernier, à la suite de négociations avec le gouvernement, un accord avait abouti à la revalorisation du prix du litre de lait à 0,34 Euros et celui du porc par la même occasion à 1,40 € le kilo. La Commission de l’Union Européenne a estimé que ce coup de pouce des Autorités françaises allait à l’encontre de la concurrence. Le Commissaire européen en charge de l’agriculture, un certain Phil Hogan, se moque bien que les fermiers travaillent, parfois à perte, et ne puissent se servir un modeste salaire. La main d’œuvre dans les Pays de l’Est est moins chère et Danemark, Pays-Bas ou Allemagne ont des exploitations qui sont de quasi-industries, les fameuses « fermes aux mille vaches ». Dans ces conditions, avec des fiscalités et des conditions de travail différentes, comment lutter et comment maintenir une paysannerie « à la française », c’est-à-dire une ferme de taille raisonnable pouvant faire vivre une petite famille ? C’est notre modèle spécifique de société rurale qui est en jeu. N’oublions jamais que les paysans, devenus des agriculteurs et qui ont de nos jours, tout autant la fourche que l’ordinateur comme outil de travail, sont les jardiniers de la France. Et il n’y a pas que la concurrence européenne. Le futur traité Transatlantique, dit « TAFTA » qui se négocie dans notre dos, est lourd d’inquiétudes, notamment sur les normes, les appellations contrôlées, le « laisser faire, laisser passer » du libéralisme le plus extrémiste… N’oublions pas non plus qu’un petit pays du bout du monde, la Nouvelle-Zélande, est le maître du marché de la production du lait en poudre et qu’il impose ses prix. Pas étonnant, il faut avoir vu ses immenses troupeaux de vaches, poussés au lointain par un tracteur, s’engouffrer dans des tunnels passant sous les routes striant le bush et rejoindre leurs lieux de traite… Décidément, le jour inaugural de cette grande manifestation annuelle où se rencontrent public et agriculteurs, n’était pas un bon jour pour le Président. Encore heureux qu’une belle blonde d’Aquitaine ou une tachetée noir et blanc normande, n’aient pas satisfait leurs besoins à son passage !
Ça sent le roussi pour l’équipe Valls
Mais comme un malheur n’arrive jamais seul, voilà que le gouvernement se sent obligé de retirer provisoirement – dit-il – sa « Loi travail » devant réformer justement, le Code du dit Travail. Dame Myriam El Khomri, toute retournée, en aurait fait un malaise, la pauvre… Son entourage dément et parle d’un «accident domestique ». La brosse à dents se serait-elle rebellée ? On se perd en conjectures… Il faut dire que la Gauche officielle est mise à rude épreuve. Tandis qu’une pétition est lancée pour organiser des primaires au sein de la famille, afin de désigner le futur candidat portant les couleurs du PS à la course de 2017, refusant ainsi , de fait , à François Hollande l’automaticité légitime de sa propre candidature en raison de son statut de Président sortant, c’est Martine Aubry du haut de son donjon Lillois, qui « marque à la culotte » le Président.
Ulcérée par plusieurs aspects du projet de loi El-Khomri, la Maire de Lille, tout en précisant qu’elle n’était pas candidate à cette éventuelle primaire à gauche, est sortie de sa réserve en décochant ses flèches dans une tribune écrite au vitriol, publiée dans le quotidien du soir Le Monde. Cette sortie faisait suite à la parution d’une autre tribune cosignée par les « Frondeurs », de Christian Paul à Benoit Hamon, en passant par l’écologiste agitateur franco-allemand, Cohn-Bendit, toujours à la recherche d’une occasion pour se faire mousser. Alors que le vote relatif à la déchéance de nationalité pour les binationaux auteurs d’actes terroristes se ballade entre Assemblée et Sénat, subissant ici ou là amendements et modifications, qu’il n’est aucunement garanti que cette nécessaire mais symbolique disposition soit votée en séance plénière du Congrès réuni à Versailles, Bernard Cazeneuve fait face à des « mutineries » diverses et variées, du bidonville de Calais à la ZAD de Notre Dame des Landes. Rien n’est fini, tout peut exploser. Les seules certitudes que l’on aie avec ce ministre, ancien Maire de Cherbourg au look de croque-mort, c’est que ses argousins sont durs avec les faibles et faibles avec les forts. Il n’est que de voir la façon « musclée » dont le général en retraite Piquemal, ex-commandant de la Légion Etrangère, a été expulsé de la gare de Calais ou Katia LipovoÏ, une dame hostile à l’abattage de platanes à Poitiers, trainée par des policiers la maintenant à terre de leurs genoux avant de la menotter ! Quels crimes avaient commis ces deux personnes ? Protester, exerçant ainsi leur droit d’expression de libres citoyens ? Les forces de l’ordre sont bien plus clémentes face aux casseurs qui vandalisent les rues de Rennes et de Nantes ou avec les Borders, collabos étrangers de l’invasion exotique. Il n’y a pas que le frelon asiatique, les chenilles processionnaires ou les moustiques tigres qui migrent dans nos campagnes….
Un attentat, imprévisible à ce jour, comme bouée de sauvetage ?
Bref, cette gauche incapable de tenir ses promesses, déçoit jusqu’à ses partisans les plus déterminés, sur fond de rivalité entre Messieurs Valls et Macron. Question « existentielle » qui agite le petit monde politico médiatique, lequel des deux portera les couleurs d’une Gauche moderne, rénovée, sortie des vieilles lunes dirigistes et postmarxistes ? Les deux années qui viennent promettent d’être palpitantes pour l’observateur de la « chose » publique. Il n’est pas jusqu’au Président de la République qui, ayant sans doute le regard fixé sur les sondages, laisse planer un doute quant à sa présence dans la course présidentielle. Disons-le brutalement, seul un tragique attentat pourrait lui permettre de reprendre des couleurs et lui éviter d’être éliminé dès le premier tour, tant les Français dans les périodes de malheur ont besoin de se resserrer autour de celui qui, tout de même et pour l’instant, est encore le « chef ».
Une fois n’est pas coutume, encore qu’il est toujours bon de faire appel à plus talentueux que soi, je laisserai le mot de la fin à Dominique Jamet qui, dans les excellentes chroniques du « Boulevard Voltaire » diffusées sur Internet, s’exprimait ainsi à propos de la visite du Président Porte de Versailles : « Dans ces conditions, l’accueil fait à M. Hollande a été celui qu’une famille en deuil ferait à l’individu qu’elle tiendrait pour responsable de la mort du défunt et qui, le jour de ses obsèques, aurait le culot de venir lui présenter ses condoléances à la sacristie ». Rien à ajouter, rien à retrancher…
Jean-Claude ROLINAT