La France a échappé à un nouvel attentat. Vraisemblablement prévu ce week-end de Pâques. Jeudi soir, quand il a appelé François Hollande, Bernard Cazeneuve était encore sous le choc de la découverte, par les services de l'antiterrorisme, de la cache d'Argenteuil. "On ne s'attendait pas du tout à trouver tout cet arsenal", avoue le ministre de l'Intérieur au Président. Des kalachnikovs, mais aussi du TATP déjà fabriqué, l'explosif de Daech, et tous les ingrédients prêts pour en confectionner davantage encore. Et en grosse quantité. "Avec tout ce matériel, l'attentat, c'était une question de jour", assure au JDD une source au sommet de l'État.
Depuis au moins deux semaines, "grâce à des moyens techniques et un renseignement humain", la DGSI était sur la trace de Reda Kriket, dit "le Français". Selon nos informations, François Hollande en personne avait donné son feu vert pour ne pas l'appréhender sur-le-champ, mais pour le pister le plus longtemps possible, afin de repérer ses complices. La donne a brutalement changé ce mardi, après les attentats de Bruxelles. Jeudi, à la fin du Conseil des ministres, Bernard Cazeneuve s'est isolé avec Manuel Valls et François Hollande, les informant de la neutralisation imminente de la cible… Les trois hommes ne savaient alors pas à quel point l'arrestation était urgente.
Dans la cache d'Argenteuil, tout l'attirail était disponible pour une attaque immédiate de type 13 novembre, avec du TATP en quantité suffisante pour fabriquer plusieurs ceintures d'explosif comme celles utilisées le soir du Bataclan. "Le TATP est un explosif très instable, quand vous l'avez fabriqué, il vaut mieux s'en servir assez vite, sinon vous risquez de faire sauter le lieu de stockage", confie un expert, persuadé, lui aussi, que sa découverte signe l'imminence du passage à l'acte. Quand? Où? "La proximité de Pâques, grande fête chrétienne, fait froid dans le dos", admettent plusieurs sources haut placées.
Pour l'heure, seul Reda Kriket, en garde à vue dans les locaux de la DGSI, à Levallois, est susceptible de répondre. Pas sûr qu'il facilite le travail des enquêteurs… Pas plus que Salah Abdeslam, arrêté juste avant les attentats de Bruxelles : ses premières déclarations à la police belge sont un tissu de mensonges.
L'Europe tourne la page de la cellule Abaaoud
En quelques jours, malgré les critiques, et sous le choc du double attentat de mardi, les services belges et français ont procédé à un vaste coup de filet. La cellule terroriste franco-belge est "sur le point d'être anéantie", a assuré, vendredi soir, François Hollande. Avec une trentaine de personnes arrêtées ou neutralisées, l'Europe tourne la page de la cellule Abaaoud. C'est bien lui, le chef opérationnel du 13 novembre, mort sous les balles du Raid à Saint Denis, – dont l'ordinateur contenait, depuis janvier 2015, un plan de l'aéroport de Bruxelles –, qui semble avoir été l'homme-orchestre de ce vaste réseau, brassage de fanatiques et de copains d'enfance de Molenbeek… Au total, 130 morts et 351 blessés à Paris, et 31 morts et au moins 270 blessés à Bruxelles.
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Combien de terroristes y a-t-il encore dans la nature? Naïm Al-Hamed, un Syrien de 28 ans, qui aurait été repéré aux côtés du kamikaze du métro bruxellois (comme Abaaoud avait accompagné de près ses "frères" voués à la mort le soir du Bataclan) semble avoir pris la relève. D'autres sont encore traqués . Et même si, en Syrie, l'Etat islamique recule, de nouveaux réseaux risquent de prendre le relais. Peut-être même plus encore si Daech recule… L'Europe, en ordre dispersé, incapable pour l'heure de faire front commun, n'en a pas fini avec cette folie.
Laurent Valdiguié - Le Journal du Dimanche