Voilà deux jours (trois sans doute, au moment où ce papier paraît) que les taxis bloquent la ville de Toulouse et ses accès. Aéroport inaccessible, kilomètres de bouchon, impossibilité aux « travailleurs-travailleuses » de rejoindre leur poste… Comme disent les taxis parisiens quand ils bloquent une rue : « Je travaille, moi, Madame ! », étant entendu sans doute que les autres non, ce qui autorise tous les comportements inciviques.

Ainsi va la France, pays du chantage. Notez bien, c’est exactement la même chose dans nos écoles. J’en connais où les personnels d’accueil et de cantine font la grève tournante avec les instituteurs depuis un mois. Pourquoi ? Mystère. Peut-être contre la loi El Khomri, ou contre la mairie, ou le rectorat… On ne sait pas. Seulement qu’il faut récupérer les enfants un jour à midi, un autre à 14 h 45… Et qui cela emmerde-t-il, je vous le demande ? Les parents qui se ruinent en nounous. Et les employeurs des parents. Et les grands-parents.

Donc, les taxis nous font chanter et font chanter le gouvernement : si vous ne tuez pas la concurrence dans l’œuf, si vous ne passez pas les VTC par le fil de l’épée, nous saboterons l’Euro de football.

Tremblement à l’Élysée : car bloquer l’activité économique d’Airbus, c’est tolérable, mais s’en prendre au foot, là…

Alors Laurent Grandguillaume, député PS de Côte-d’Or et médiateur dans ce conflit, a mis sur la table ses propositions mirobolantes : la création d’un « fonds de garantie » afin de permettre « le rachat par l’État des licences cessibles, pour les chauffeurs de taxis volontaires ».

Ah ! la belle idée, grande et généreuse ! Comment n’y a-t-on pas pensé plus tôt ; d’autant, de vous à moi, que ça ne coûtera rien ou presque : quelques milliards d’euros tout au plus.

Mais ne vous inquiétez pas, chers lecteurs, car monsieur Grandguillaume l’a assuré : d’une part, seules les licences « acquises à titre onéreux » pourront être rachetées. C’est un bon préalable, en effet. D’autre part, et c’est encore mieux : « Ce n’est pas au contribuable de payer les licences, ni à l’État de financer ce fonds de garantie. » C’est« au secteur d’assumer cette responsabilité ».

Ah ! voilà qui est parler ferme. Enfin… vous, je ne sais pas, mais moi, je ne vois pas bien le montage, même si le médiateur a déclaré à RTLque « le financement du fonds se fera par la solidarité “au sein du secteur”, pour ne pas faire peser ce dispositif sur le contribuable ». Donc, je résume : nous avons des taxis qui ont acheté leur licence (entre 40.000 et 350.000 euros), d’autres qui l’ont sans l’avoir achetée, et puis des salariés des compagnies de taxis, et puis des VTC. Et tout ce monde, alors qu’il se livre une guerre acharnée, va se mettre d’accord pour abonder un « fonds de garantie » qui servira à sortir les volontaires – et rien que les volontaires – de la panade.

Vous y croyez ? Moi non plus. Mais M. Grandguillaume a avancé une piste encore plus mirobolante : le fonds sera constitué par une taxe prélevée sur… le prix des courses !

Donc, je résume le résumé de la situation : les Français (et surtout les Parisiens) boudent les taxis trop chers, trop sales, trop mal aimables (« c’est pas sur mon chemin », « je rentre », « il est trop tard », « je ne vais pas par là », etc.) et leur préfèrent les gentils chauffeurs Uber bien aimables et bien serviables. Révolte des premiers qui veulent faire la peau aux seconds. Alors, pour calmer la guerre qui menace, on va assommer encore un peu plus le client.

Et ça, coco, je te le garantis, ça va relancer les affaires !

Source : http://www.bvoltaire.fr/