« Cessez d’emmerder les Français. » Ces mots, attribués à Georges Pompidou pour manifester son agacement face à la masse de lois et de règlements contraignants produits par sa propre administration, ne sont apparemment pas arrivés aux oreilles d’Édouard Philippe. En effet, comme ses devanciers, le Premier ministre d’Emmanuel Macron a décidé, en préconisant d’abaisser la limitation de vitesse sur le réseau secondaire français (400.000 kilomètres, soit près de la moitié) à 80 km/h, d’ajouter une couche supplémentaire aux tracasseries en tous genres qui pèsent aujourd’hui sur les automobilistes, soit deux tiers des Français.

Ainsi, après la privatisation de la constatation des infractions à la vitesse, après l’augmentation faramineuse du prix des amendes au stationnement dans certaines villes (avant leur vraisemblable généralisation, après la chasse aux véhicules dans les centres-villes, c’est maintenant au noyau dur de ce qui fait la conduite automobile que le gouvernement s’en prend. Et pour être inattaquable, c’est l’argument du nombre des tués sur les routes qui est mis en avant. Qui, en effet, oserait s’opposer à une telle démarche sans apparaître comme un criminel en puissance ?

Pourtant, la situation décrite pour justifier une telle mesure n’est pas objective. Tout d’abord parce que la vitesse est loin d’être l’élément majeur dans les accidents mortels. Ainsi, des statistiques très sérieuses, mais curieusement assez peu présentées par les médias, attestent de ce que la vitesse moyenne enregistrée sur le réseau secondaire – celui limité à 90 km/h – est de 82 km/h. Elle est de 103 km/h sur la partie du réseau routier limitée à 110 km/h. Ensuite, parce que les causes des accidents de la route ayant provoqué des décès ne sont jamais simples et sont toujours multifactorielles. Ainsi, la fatigue, l’alcool, les stupéfiants, mais aussi l’inattention, l’état du véhicule et, de plus en plus souvent, l’état des routes prennent une part largement équivalente à celle d’une vitesse qui n’est, d’ailleurs, lors des faits, jamais objectivement constatée mais le plus souvent présumée. Enfin parce que les récentes expérimentations invoquées par le gouvernement pour tenter d’imposer cette nouvelle réglementation rendent compte de faits limités dans le temps et dans l’espace. Elles ont, en effet, été menées pendant deux ans seulement, sur une portion de route de 87 kilomètres !

 Il ne s’agit pas, bien entendu, de s’opposer de manière aveugle à des mesures qui pourraient faire baisser le nombre des tués et des blessés sur nos routes. Le problème est en effet trop grave, et trop nombreuses sont les familles françaises qui ont été touchées par ces drames. Mais il ne faut pas, non plus, tenter de faire croire n’importe quoi à nos concitoyens et saisir n’importe quel prétexte pour imposer des règles qui seront aussi inefficaces qu’impopulaires.

Les données pertinentes en matière de sécurité routière ne manquent pas. Aussi, commençons par lutter contre les conduites les plus accidentogènes. Telle la conduite sous l’empire de l’alcool ou des stupéfiants. Mais il est difficile, il est vrai, d’envisager parfois la légalisation de l’usage du cannabis et de prétendre lutter contre les accidents de la route ! Donnons, également, les moyens nécessaires à nos collectivités pour l’entretien des routes, car depuis de nombreuses années, ceux-ci ne cessent de baisser. Travaillons également, en particulier auprès des jeunes en milieu scolaire, sur les actions de prévention aujourd’hui quasiment disparues. La victoire sur l’insécurité routière ne se remportera que dans la durée et par l’éducation, et certainement pas par une répression aveugle et outrancière. À moins que les motifs invoqués par les « emmerdeurs » n’en cachent d’autres peu avouables.

 

Source : bvoltaire