En application méticuleuse du concept écolo, je prends tous les jours mon vélo pour aller travailler. Avec l’habitude, il ne me faut pas plus de deux minutes pour le plier dans mon coffre de voiture. Le gouvernement, lui aussi, l’a bien compris : si l’avenir de l’homme c’est la femme, en France, celui de la voiture c’est le vélo.
C’est probablement pourquoi il a lancé, en grande pompe à vélo et très récemment, un grand Plan Vélo dont la teneur a été patiemment épluchée par nos journalistes de garde. À la lecture attentive des mesures prônées, aucun doute n’est possible : c’est du lourd, du solide, du tout-terrain même.
Plus d’une vingtaine de mesures visent ainsi à tripler la part du vélo dans les déplacements quotidiens des Français d’ici à 2024 (soit 9% au lieu de 3% actuellement). Et pour cela, le gouvernement entend favoriser le développement des infrastructures (marquage au sol, aménagement des pistes) – pour 350 petits millions d’euros, ce serait dommage de se priver, non ? – et en accroître la sécurité, pour s’assurer d’une part de la bonne survie des pédaleurs (ce sont des contribuables pour la plupart, ne l’oublions pas), et d’autre part la diminution du vol, véritable fléau sur le territoire (la police n’étant plus exactement au top).
Et à ce sujet, force est de constater que le gouvernement veut se donner les moyens : marquage des vélos (réalisé par des professionnels), établissement d’un fichier national du biclou, suivi des achats/ventes de ces engins même en occasion, tout est fait pour que la Petite Reine soit enfin régulée en République du Bisounoursland.
Il était temps : tous ces vélos, volés ou non, qui s’échangent, qui roulent sans permis, sans limite et sans restriction, cela nous rappelle les heures les moins youpi-tralala de notre Histoire, dans lesquelles de solides taxes ne peuvent être collectées et de vigoureuses amendes distribuées. Avec ce Registre Des Vélos, on va enfin pouvoir créer un permis de pédaler (à point, forcément), des infractions idoines, des amendes logiques et des taxes juteuses.
Enfin, notons la mise en place d’un dispositif, « Savoir rouler » destiné à améliorer la maîtrise du vélo par les jeunes. Il est vrai que pour ce qui est de savoir rouler, le gouvernement en connaît un rayon de bicyclette, la question restant souvent de savoir qui et dans quelle farine.
Tout ceci est extrêmement charmant, alors même que Paris fut le théâtre de la Journée Sans Voiture du 16 septembre, sous les vivats d’une foule extatique à l’idée de pédaler dans les rues de la capitale débarrassée de ses vilains automobilistes. La synchronicité des annonces gouvernementales et des sauteries festives de la mairie de Paris ne doit rien au hasard, pas plus que celle avec le fumeux fameux « Plan Pauvreté ».
Tout ceci participe en effet d’une forme subtile de décroissance qui, si elle n’est certes pas assumée ni officialisée, semble entrer doucement dans les esprits. Alors que des millions (des milliards ?) d’êtres humains s’extraient de la pauvreté et qu’un nombre croissant peut maintenant acquérir la force mécanique à prix raisonnable s’affranchissant ainsi de l’effort musculaire direct, le gouvernement français, peut-être lucide sur sa capacité réelle à inverser la tendance économique du pays, opte sobrement pour le trajet inverse, à savoir le retour du jarret frétillant, des efforts pénibles et des vitesses de plus en plus modérées ; le pays ne court pas à la ruine, mais y pédale.
Or, si le vélo n’a pas le pouvoir de réduire réellement la pollution en ville (on évoque, pendant les journées sans voitures, une baisse fort modeste de seulement 25% – 75% étant donc d’une autre origine que les méchantes voitures), il a au moins l’avantage de préparer physiquement et mentalement les pédaleurs à la brutale diminution de leur train de vie pour cause (entres autres) d’énergies surtaxées inabordables, de malus écolo sur les voitures, de normes antipollutions vexatoires et de routes endommagées.
C’est peut-être aussi pour cela que, dans cette lutte permanente contre l’individu autonome et de sa voiture, archétype indépassable d’un individualisme vrombissant et socialement corrosif, la Maire de Paris entend rendre piétonnier le centre de la capitale un dimanche par mois à partir du 7 octobre prochain.
Avec la fermeture des quais sur berge, la multiplication des restrictions diverses à la voiture dans la Capitale continue donc de plus belle. Joie, bonheur et rats dodus qui trottinent : cette piétonnisation forcenée va permettre, outre la baisse évidente des « accidents » provoqués par des voitures « déséquilibrées », de redonner des couleurs à Vélib, ce service de vélos citoyens dont les récentes déconfitures ont émaillé la chronique cycliste et les taxes foncières parisiennes (ainsi que ces colonnes).
Certes, il reste quelques efforts à fournir tant les « journées sans voitures » ressemblent encore pour le moment à des « journées sans Vélib aussi », mais on ne pourra s’empêcher de s’enthousiasmer sur le fin calcul économique de la Maire Hidalgo : puisque le Vélib se plante lamentablement, interdisons de plus en plus la voiture, cela va certainement aider.
Ah, décidément, qu’il est doux de vivre dans ce pays où les élites se penchent augustement sur le bien-être de sa population en lui proposant tous les jours plus d’activités sportives amusantes ! Qu’il est sympatoche de voir qu’on mobilise ainsi l’argent du contribuable pour lui imposer toujours plus de contraintes et de vexations ! Et quand ce n’est pas l’aspersion à fonds complètement perdus de 8 milliards d’euros pour faire semblant d’aider « les pauvres », voilà un plan pour favoriser « les vélos » !
Heureusement que les sujets d’importance ont été épuisés, qu’aucun économiste ne déplore l’immobilisme gouvernemental catastrophique qui semble devenu la norme depuis des années, et qu’aucune crise financière majeure ne soit envisageable dans les prochains mois !
Source : ndf